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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Casino Royale 007 (James Bond 21)
Royaume Uni / 2006
22.11.2006
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LA COULEUR DE L'AGENT
"- Le monde entier saura que vous mourrez en me grattant les couilles."
Ce 21e épisode de James Bond devrait se voir avant tous les autres. Parce qu'il raconte les débuts de l'espion préféré des cinéphiles. Mais aussi parce qu'il ne ressemble pas à la plupart des opus qui ont fait le succès de la série. Atypique, on en vient à s'interroger : est-ce un James Bond? De nombreux éléments démontrent que non. Pas dans le sens où nous l'entendons en tout cas. Tous les ingrédients d'un 007 y sont, mais dans un désordre bien calculé et avec une ironie utilisée de manière perspicace.
Codes détournés
Le sexe? Il n'y en a pas. Il préfère régler le compte du mari que de se taper la belle épouse. Quant au grand amour, ça ne se salit pas... En résumé, double zéro sait sauter dans tous les sens pour poursuivre un méchant mais il ne saute aucune nana. Le pré générique? Noir et blanc en partie, glaçant, presque nostalgique, très bref, plus qu'efficace, violent et à mains nues. Pas de gadget. Pas de surenchère dans l'improbable. Epuré. Cinq minutes à peine pour expliquer comment il a conquis son titre de double zéro.
S'ensuit le générique : chanson ratée (un deux de pique) et visuel artistiquement facile mais intéressant (un valet de trèfle). Le tout se conclue avec un zoom sur le nouveau James Bond. Insistance sur les yeux, bleus. Une première. La froideur lui sied bien. Décryptons même les images : c'est le mâle désormais qui sort de l'écume et des vagues, en boxer moule burnes pour allumer la femme. L'Aston Martin est bien présente : l'ancien modèle sert à faire le tour d'un rond point.
La nouvelle version est utilisée pour deux minutes et un crash. Jusqu'à l'usage abusif des marques. "- Rolex?" demande Eva Green. "- Omega" répond Daniel Craig. Et le sarcasme de la belle ne fait aucun doute sur le mépris pour ces objets vaniteux : "- Magnifique."
Enfin, la phrase slogan. "Bond. James, Bond." Il faudra attendre pour l'entendre. Elle claquera du coup comme une récompense. Aux sources du 007. Et clairement, la couleur de l'agent c'est le noir. Comme ses tuxedos ou les films noirs. Casino Royale renoue avec une tradition plus "anglo-réaliste" qu'hollywoodienne.
Au service secret d'une crédibilité
On est dans le nostalgique, l'anachronique même et le "syndromatique". L'Afrique, les Antilles, l'Europe, c'est le terrain de prédilection d'un agent d'un autre temps. Que M soit incarnée par la magnifique Judy Dench, perturbe davantage la filiation chronologique des épisodes. "Je regrette la guerre froide" dit-elle. Mais elle ne l'a jamais connue dans la saga... Elle est arrivée au moment où ce monde là se décomposait. Au final, Casino Royale apparaît comme une longue "prequel" ou un film à part, selon. Entre Au service secret de sa majesté pour l'importance du personnage féminin et l'impact sur la carrière de Bond et les deux films post-Roger Moore, qui s'étaient réorientés (avec des mauvaises chansons d'ailleurs) vers une action plus sombre et un chic moins toc. Lazenby, Dalton et Craig.
Le drame et le rôle de tueur de 007 l'emportent sur l'humour et le glamour. Le choix de l'acteur n'est pas innocent. Très physique, presque inquiétant, le nez d'un boxeur, blond sans brushing, Craig sort des critères sexy habituels. Cela permet à Casino Royale de s'aventurer sur d'autres territoires. Une violence dans un univers ultra-moderne qui contraste avec une absence totale de baise. Die Hard plus que Mission Impossible.
Il est intéressant de noter la volonté des producteurs de ne pas en rajouter dans l'invraisemblance des scènes d'action et d'aller chercher des prouesses corporelles éprouvantes, appuyées par une technologique omniprésente, voire un mix entre le corps et la techno, avec notamment des implants. L'action vole même la vedette aux répliques question dérision. On en viendrait presque à compter le nombre de vertèbres tassées. Il faudra quand même attendre une heure pour que ce branleur de Craig se la joue un peu Bond. Une heure pour voir arriver Eva Green. Là, le film change de couleur (Reine de coeur?), de tonalité. L'action qui dominait la narration va s'effacer au profit de la psychologie et des retournements de situation. Chapitre 1 : en quête du Chiffre. Chapitre 2 : Vesperate housewive.
Banco bancal
Le scénario, hélas, est un peu creux, dénué de réel enjeu apocalyptique. Il y a bien sûr le psychologique. Mais ce monde ne suffit pas. Monde où tout le monde épie tout le monde, sauf la bonne personne? Espion sans foi ni loi qui manque d'émoi. On regrette un peu ces facilités. Tout comme ces duperies : l'aéroport de Prague qui sert de maquillage à celui de Miami, le gros avions qui a des allures d'Airbus mais ne les assument pas, ces pubs pas déguisées pour Sony, désormais producteur de la série : ordinateur Vaio, mobile Ericsson... Q a disparu mais Sony a déjà tout prévu pour le remplacer : une fois de plus l'humain devient plus technoïde.
Cette déshumanisation se retrouve partout. Pour la compenser, les producteurs ont misé sur un héros faillible et orgueilleux. Capable d'endurer la torture dans une scène où, à poil (sic!), il ne perd pas son humour mais ne joue pas les super héros non plus. Il y a quelque chose de sado-maso en son royaume.
Et au final, l'ultime acte est impressionnant. Car, fidèle à l'esprit de ce Casino Royale, il est l'aboutissement d'une montée en puissance plus qu'une traduction d'une fin moraliste. Il n' arien, là non plus, de jamesbondien. Il ne s'agit pas d'un lieu secret improbable. En revanche il s'agit clairement d'un piège à rats, où le tueur doit faire son job, en solo. Où tous ses rêves s'écroulent, se noient.
On retrouve là quelque chose de plus tragique qu'euphorique, plus proche des névroses de notre espion favori que de son service accompli. Il peut toujours clamer qui il est à la fin, ce qu'il est devenu, on a du mal à croire que Daniel Craig soit un James Bond comme les autres. Virage de la série ou choix insolite pour un roman longtemps inadaptable?
Tout révèle que 007 va devoir se renouveler pour survivre, et abandonner ses ingrédients habituels pour séduire. En ce sens, la mission est peut-être réussie.
vincy
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