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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Black Book (Zwartboek)
Pays Bas / 2006
29.11.2006
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L'INFILTREE
"- Un jour on chante, le lendemain il faut se taire."
Curieux. Que Verhoeven allait-il filmer en revenant dans son pays? Son retour en Europe s'accompagnera-t-il d'un cinéma moins hollywoodien? Black Book est une histoire finalement typiquement verhoevienne, avec une femme au coeur d'un complot, mélangeant Eros et Thanatos, en plus de quelques dilemmes cruels. Le savoir-faire est incontestablement américain, techniquement soigné, le scénario naturellement ampoulé. Tant de surenchère dans l'invivable, tant de pathos et de calvaire, semble une arme à double tranchant : les sensations et la tension vont crescendo. Mais, de moins en moins plausible, ce surplus de souffrance psychologique amène le discrédit au contexte historique : et on en vient à douter de comportements pourtant historiquement vérifiables tant la fiction veut absolument une morale à cette histoire. Or l'Histoire, elle, se fout de la morale.
Elle avance, survit, à l'instar de cette Rachel qui perd tout et voit son destin dérailler vers une vie à la Mata Hari. L'image élégante ne peut maquiller les atrocités. On a beau percevoir quelques traces d'humanité : personne n'est à sauver dans cet univers remplit de monstruosités.
Pourtant, quelques petits détails nous révèlent une légère mue du cinéaste. Les touches de gris, ce noir et blanc, cette volonté de se frotter à d'autres sujets que le polar... On est plus proche de Starship Troopers que de Basic Instinct. Même si la séquence où Rachel se teint la chatte frôle le voyeurisme gratuit. Mais Verhoeven se fait plaisir : on s'y exhibe volontiers.
Le script est pervers et démontre que la morale, les préjugés sont toujours plus réducteurs que les sentiments. Black Book est un modèle dans le genre : les rebondissements nous entraînent à chaque fois dans une séquence imprévue. Cela contribue à un vrai plaisir de spectateur.
Politiquement, le film s'attaque surtout aux fanatiques en tout genre. Il fait l'éloge d'un pragmatisme. Derrière cet académisme de façade, le retournement des situations et les hommages au cinéma des années 30 (Jean Harlow et Greta Garbo sont souvent invoquées comme les muses d'un passé mythique) font du film une déclaration d'amour à une femme : celle qui brise les tabous et n'a peur de rien, l'actrice.
En ridiculisant le peuple, en glorifiant (y compris jusqu'à les détruire) les résistants, le film s'avère un peu ambiguë. Qu'elle reçoive toute la merde du monde sur elle, pourquoi pas. Mais pourquoi s'acharner dans une séquence de mise à mort du "méchant" plutôt que de le juger? Le pire des salauds a le droit à un procès, c'est clamé par un "juste", et c'est oublié par le scénariste. Regrettable.
Et comme dans le film, "ça ne cessera donc jamais." Le nazisme dégueulasse fait place à une forme de populisme stupide. Le divertissement malin s'étire un peu sur la fin. le justicier Verhoeven ne parvient pas forcément à sortir de ses réflexes. Maladroits prologue et épilogue, un peu factices et inutiles. Nous passons d'un conflit à un autre et sans doute aux origines du mal de nos sociétés.
Bizarrement nous nous sommes davantage attachés au personnage féminin et à ses amoureux, qu'à ces combats pour la liberté. v.
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