Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Un homme change son destin (The Stratton Story)


USA / 1949


 



UNE BALLE PERDUE





"- Il va encore falloir la jouer fine."

En première lecture, nous pourrions y voir qu'un de ces films bien scénarisés et moralistes produits autour d'un duo d'acteurs vedettes. Les deux, Stewart et Allyson, ont leur part de comédie, larmes, force de caractère, coups de blues. Le message est simple : la réussite est indispensable, mais se juge d'un point de vue personnelle.
Mais le film possède une deuxième grille de lecture, plus subtile, plus complexe même. Derrière ce décor d'une Amérique campagnarde imprégnée de valeurs chrétiennes (travail, famille, dollar), Sam Wood glisse des messages subliminaux dépassant son cadre, celui du destin d'un sportif brillant. La femme par exemple est à égalité de jeu et n'a rien d'une simple cuisinière malgré les apparences. C'est elle qui transforme l'homme même, sans jamais garder sa langue dans sa poche. Le fait de mettre à égalité, là encore, un sportif handicapé avec des baseballeurs sur leurs deux jambes, n'est pas un acte cinématographique anodin. Enfin, on peut voir derrière cette histoire de champion "détruit" en plein vol, une métaphore de soldats revenus mutilés et cherchant à refaire leur vie, au sein d'un entourage bienveillant mais écartés de leurs tourments. Le film a été réalisé en 1949, à partir d'une histoire vraie.
En ce temps là, les scénarios étaient écrits sur mesure. Celui-ci ne fait pas défaut, explorant chacun des recoins offerts par les situations et les personnages. Outre le duo vedette, et James Stewart excelle vraiment dans les nuances, les seconds rôles se révèlent à la fois colorés et utiles : le coach, le "découvreur", la mère, le cousin... Tous apportent leur bon sens, leur différence. Sam Wood fait le reste avec quelques plans inspirés. Des pieds en premier plan pour souligner ce qui manque à son héros ou tout simplement cette balle qui s'amuse toute seule dans le wagon et réveille un vagabond... Car ce qui rend intéressant ce film classique, c'est ce regard bizarrement cruel. Que Stewart apprenne à danser pour faire plaisir à sa femme, lui montre ses talents juste avant de perdre sa jambe, que son fils doive faire ses premiers pas alors que lui est cloué au siège : les auteurs ne se sont pas gênés pour malmener psychologiquement le personnage central. Ce qu'il sauve c'est évidemment son caractère initial : déterminé, obstiné, courageux. Candide (comique dans ces cas là) et bosseur. La prise de risque, et l'éventuel échec, agit comme une énergie indispensable pour vivre. Un véritable portrait (flatteur) du pays. Même blessée, l'Amérique peut se redresser. Une Amérique en mutation, entre progrès et précarité. "Il y a beaucoup de gens qui ne travaille pas dans une ferme. - Et il y a beaucoup de gens qui ne mangent pas à leur faim." Une phrase suffit à montrer que la tentation du conservatisme est toujours très présente...
Cela ne suffira pas à détourner le film de son propre destin : un happy end en guise de victoire, sur le terrain mais, évidemment, surtout, sur soi-même.
 
vincy

 
 
 
 

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