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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Rendez-Vous (The Shop around the Corner)
USA / 1940
10.08.1945
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ROMANCE ET BOITE A CIGARETTES
"- Ca dure depuis combien de temps?
- Quatre lettres."
A priori ça ne paye pas de mine. Peu de décors. Ca pourrait se passer à Budapest comme ailleurs en Europe ou même à New York ou Montréal. Pas de course poursuite, de portes qui claquent. Pourtant cette comédie de boulevard a tous les ingrédients (sauf peut-être l'amant en caleçon) d'un vaudeville. The Shop around the corner, adaptation d'une pièce de théâtre, ceci expliquant cela, est, disons le franchement, un de ces bijoux de la comédie américaine. Lubitsch à la barre, Stewart aux manoeuvres. Certes ce n'est pas le génial To Be or not to Be, ni le jouissif The Philadelphia Story. Mais on frôle quand même la quintessance des comédies de cette époque as si révolue. L'amour par correspondance existe d'une autre manière aujourd'hui. Et les problèmes entre patron et employés n'ont pas changé.
L'horlogerie est d'une précision implacable. Chaque scène s'enchaîne logiquement à l'autre, chaque personnage a son dessein. Ces querelles de boutiquiers s'avèrent un régal quand tout se mélange : l'affect personnel, la frustration professionnels, les ressentiments liés aux rapports de classe... En cinq minutes, devant le magasin, tous les caractères sont bien décrits, le spectateur a tout compris de la lâcheté de chacun, du zèle de tous, des aspirations et rêves des uns et des autres. Brillante mécanique.
Car si l'on retient l'histoire romantique en fil conducteur, c'est bien l'observation sociale qui permet au film de dépasser son statut de comédie à tiroirs. Lubitsch s'amuse comme avec des pantins. Ces modestes employés râlent de ne pas gagner assez d'argent, avouent dépenser leur fric en futilités, et font de la lèche permanente au boss... Tous sont les obligés de plus puissants. L'Homme n'est jamais vraiment libre, dépendant toujours d'un autre. Même le patron est complètement sous l'influence de sa femme. Même le coursier, après avoir été promu, se trouve un vassal.
La modernité de Rendez-Vous tient bien entendu dans son rapport amoureux, à distance, c'est-à-dire virtuel. Dans cette conquête de l'autre autrement que par le contact physique. Drague épistolaire et donc déformée, magnifiée, fantasmée. Avec toutes les questions liées à ces mystères, et notamment "peut-on tomber amoureux de quelqu'un qu'on n'a jamais vu?". Dans ce rapport humain très "Je t'aime moi non plus" où les secrets sont glissés en guise d'aveux et les vérités balancées sur la place publique, le script n'a pas pris une ride. Remplacez la boîte 237 par un compte MSN et vous aurez le même résultat. Les quiproquos et autres malentendus, cachotteries et mensonges (pieux) feront le reste pour nous dérider, divertir, distraire.
Lubitsch, en parfait orfèvre du genre, aidé d'un casting idoine, nous envoûte avec trois fois rien. Mais en y regardant de plus près : sa caméra est toujours située là où il faut. Avec le portrait du patron en arrière plan, ou en jouant des jeux de chaise dans un café. Ses comédiens ont l'habit qui fait le moine. Certains crieront à un grossières caricatures là où il n'y a que es personnes cherchant leur identité à travers des modèles. Bref, le mouvement est omniprésent, même quand l'image semble statique, et chacun s'active à ce que la vitrine soit attirante mais pas importante. Le principal n'est pas la valeur de l'objet, mais ce qu'il représente à vos yeux. Et ce film est exactement ce qu'il faut : une fiction qui nous rassure sur la comédie... humaine. vincy
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