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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le grand chantage (Sweet Smell of Success)
USA / 1957
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L'EMPRISE DES LOUPS
"- Je connais M. Manny Davis.
- Tout le monde connaît Manny Davis. Sauf Mme Manny Davis."
Quand Machiavel rencontre Scapin. Cela donne un parfum de succès aussi ironique que son titre original. Ce film est aussi noir qu'un polar, aussi noir que son humour, aussi noir qu'il n'est pas blanc, pas vierge et innocent, empli de soupçons, de sous entendus, de vils calculs. Le cynisme est à son apogée.
De la musique jazz élégante et swinguante de Bernstein à cette photo classe où les contrastes dénotent les ombres de chaque personnage, le film ne se repose pas pour autant sur ses lauriers artistiques. Car dans les moindres détails, le réalisateur Alexander Mackendrick tisse une toile où deux manipulateurs immoraux et avides de pouvoirs vont se piéger. La beauté funèbre de ce petit bijour est bien d'offrir une "mort" fatale à ses protagonistes. Une pancarte scotchée sur une porte et on comprend que Curtis n'a pas pignon sur rue. D'ailleurs il ne prend pas son pardessus pour ne pas avoir à payer le vestiaire. Le scénario est admirable, prêt à construire la tombe de ses héros.
Ce n'est pas difficile avec deux personnages aussi méfiants, aussi menteurs, aussi ambitieux. Ce puissant et son laquais, ce possessif et ce joueur sont incarnés par deux grands acteurs - déjà réunis dans Trapeze. Tony Curtis trouve là l'un de ses meilleurs rôles. Sa fausse innocence est parfaitement masquée par sa gueule d'ange, qui s'enlaidit avec la rancoeur. Même s'il arrive tardivement, le monstre interprété par Burt Lancaster, coupe en brosse et lunettes rigides, en impose par sa prestance. Réac' conservateur vaguement incestueux et hautement moraliste, il jouit de son pouvoir et formate le monde à son image, sans voir qu'il va se perdre dans ce miroir aux alouettes.
Il faut ajouter qu'aux "choses blondes", malléables à souhait, il y a la soeur brune, touchante, émouvante, fébrile petit oiseau effrayé tentant son propre envol. C'est l'objet du délit, du désir obscur, celle qui fait douter l'un de ses motivations et qui fera perdre l'autre par aveuglement.
New York offre un autre visage. Celui des bas fonds et des backtreets, des clubs exclusifs et des flux d'informations (rumeurs, journaux, téléphone). Lieu idéal pour ces prédateurs qui salivent du moindre scoop sordide, qui s'entretuent pour le simple plaisir, qui se chassent et ne veulent pas mourir. Liaisons dangereuses. Avec grand chantage et petites manigances. "Pourquoi dîtes vous tout sur le ton de la menace?" Pour faire peur.
Cette peur, aujourd'hui moteur de l'information, est ici l'arme du crime et touche, par ricochets, chacune des proie, jusqu'à celui qui en est l'instigateur. Cela donne un film jouissif malgré l'antipathie de tous. Le seul bouclier s'avère l'honnêteté, la vérité, la transparence. Les vertueux sont les ennemis. Car tout se marchande, même les sentiments.
Il n'y a aucune valeur, aucun respect. Ils se sentent au dessus des lois, rouages orgueilleux pour fusionner le monde et leur ego démesuré. Dominateurs. Monde de pûtes. Des salauds et des serpents. Des renards rusés et des flics gras. New York Confidential, corrompu jusqu'aux flics. Le cinéaste est loin de son pays, et de ses films précédents (Whisky à gogo). Utilisant la surenchère pour conduire ses obstinés infortunés dans l'impasse où ils le livreront leur ultime bagarre de vieux garçons immatures et misogynes. Car la morale sera sauve et le Roi, seul en son Royaume. En voyant la gueule d'enterrement du vainqueur, cette victoire à la Pyrrhus nous ravit! vincy
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