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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Jacquou le Croquant
France / 2007
17.01.2007
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DÉSENCHANTÉS
Pour son troisième film, Laurent Boutonnat s'attaque à l'adaptation du roman d'Eugène Le Roy, Jacquou le croquant, également célèbre feuilleton télévisé du temps de l'ORTF. Nos parents se souviennent encore avec émotion de la diffusion des épisodes toutes les semaines, et n'auraient manqué pour rien au monde le rendez-vous devant leur poste de télévision. Sa version, remise au goût du jour, ne suscitera certes pas le même enthousiasme à l'ère de la multi diffusion, néanmoins le réalisateur s'est attaché à une reconstitution appliquée de la révolte menée par un jeune paysan périgourdin.
L'acolyte privilégié de Mylène Farmer, auteur-compositeur et réalisateur de tous ses clips, offrait déjà son univers visuel propre et ancré dans une certaine noirceur. Et déjà, à ses débuts, il faisait preuve d'une cinéphilie exacerbée, tournant en 35 mm avec des génériques et multipliant les clins d'œil à ses cinéastes favoris. Boutonnat apporte à Jacquou le croquant le même soin qu'à ses clips, avec ici plus d'envergure. Il cherche la perfection dans les images, totalement impliqué dans son film, pour un résultat visuel au-delà de nos attentes. Il alterne plans larges bucoliques (la magnifique scène d'ouverture dans les champs de blé) et gothiques (la traversée de Jacquou dans la neige), comme pour nous prévenir du drame qui se prépare, distillant ses thématiques chères qui nous rappellent Libertine, Désenchantée et son précédent film.
Jacquou le croquant se découpe en deux parties distinctes : l'enfance puis la jeunesse du jeune paysan. La première partie prend le temps de mettre en place l'histoire, permettant au spectateur de s'attacher au héros et de comprendre les raisons de sa haine envers son ennemi juré, le comte de Nansac. Le jeu impeccable des trois acteurs principaux, Albert Dupontel, Marie-Josée Croze et le tout jeune Léo Legrand, apporte beaucoup à notre adhésion. Cette première partie, très alléchante, laissait présager d'une suite encore plus délectable, d'autant que Boutonnat nous fait patienter près d'une heure avant de nous présenter Jacquou sous les traits de Gaspard Ulliel. Cependant, le film souffre d'une certaine longueur et notre attention commence à vaciller. La scène-clé du film, qui se situe à la jointure des deux parties, se veut très originale, marquant le début de la rébellion du croquant contre l'oppresseur. Le premier affrontement entre Jacquou et le comte de Nansac aurait pu se dérouler tel un duel viril mais s'effectue au moyen d'une compétition de danse enlevée. Dommage que la suite ne se maintienne pas dans le même esprit et qu'on ne ressente pas suffisamment la grogne des paysans face à l'injustice de l'époque.
Si Boutonnat reste un bon metteur en images, on lui reprochera néanmoins quelques maladresses de mise en scène : deux ou trois scènes un peu mièvres et de grandes envolées musicales pas toujours justifiées sur certains plans. En outre, il délaisse quelque peu la direction d'acteurs – sûrement en raison du talent confirmé de ses têtes d'affiche – ce qui fait cruellement défaut au petit Ulliel. Il manque de fougue pour incarner ce jeune croquant à la tête de la révolution paysanne et ce, malgré une photogénie certaine. À l'instar de Michel Gondry qui avait transformé sa Science des rêves en un clip vidéo géant, Jacquou le croquant s'inscrit finalement dans un genre rare et ambitieux en France, le drame épique à caractère historique – Le Pacte des loups étant la dernière tentative en date, plus ou moins réussie. Florine
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