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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les ambitieux
France / 2006
24.01.2007
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(DE)LIVRES-TOI
"- Mais je ne te demandais rien tu sais.
- Et bien tant mieux!"
Le film a des allures de comédie romantique américaine des années 40, ce qui prolonge l'exploration de Corsini dans ce genre mêlant l'humour, la cocasserie et le drame. Mariées mais pas trop flirtait avec la comédie britannique un peu noire. Les ambitieux préfèrent prendre un cadre très stéréotypé pour faire évoluer ses personnages et leurs relations. Car ici les rapports humains, malmenés tant leur sincérité est est rare, pourraient s'appliquer à n'importe quelle jungle professionnelle. Les intérêts des uns et les arrière-pensées des autres construisent des interactions calculées. Pas assez pour être cyniques. Trop pour être spontanées.
Car un duo comme ça, on les rencontre partout. Lui fragile paranoïaque sensible opportuniste touchant aimable. Elle égocentrique antipathique sèche soupe au lait capricieuse furie séduisante. La dichotomie (ou l'antagonisme selon comment on voit les choses) s'impose aussi au cadre de vie. Lui vient d'une petite ville sans histoire avec cette impression que rien de neuf ne peut arriver. Il est libraire (espèce en voie de disparition) et vend principalement des livres d'occasion, à l'occasion. Elle ne sort pas de "son sixième arrondissement" ou si peu. Les coulisses de l'édition dans lesquelles elle nage comme un poisson dans son bocal reflètent un milieu arrogant, inculte, vaniteux, méprisants pour les Barbares. Lorsqu'elle balance "il faut que les jeunes auteurs s'ouvrent sur le monde", elle n'a certes pas tort d'un point de vue littéraire. mais elle pourrait d'abord l'appliquer à son microcosme. Elle se vante de ne pas lire les livres, préfère le happening, la forme, le style au fond et au contenu.
Corsini joue alors les vengeresses. Elle aurait pu le transposer dans le milieu du cinéma tant les rapports sont identiques. Elle y glisse d'ailleurs deux seconds rôles qui viennent éclairer sous un angle tragico-comique ce duel acéré émoussé. Un intermittent du spectacle au bout du rouleau, acteur de théâtre (art avec lequel elle a une sympathie particulière), un de ces exclus de la société culturelle. Et un animateur de télévision, croisement entre Pivot et Durand, légèrement corruptible, confondant vie sexuelle et rapports professionnels, juste manipulateur de mots.
Eux sont entre les deux, sensibles, pathétiques, lâches, beaux. Entre fantaisie et monde gris. Il y a d'un côté le mec bien. Et "les mecs bien ils s'en sortent jamais." De l'autre la fille élevée à l'hypocrisie et au mensonge. "J'ai été ironique. cassante. ça ne me ressemble pas." Dans les deux cas les souvenirs d'enfance encombrent leur présent, envahissent leurs sentiments, paralysent leurs réactions, construisent des réflexes qui se retournent contre eux. Mais la psychologie n'est que la façade d'un scénario qui cherche d'autres moyens de conduire son couple à une vérité : l'amour. Or ce chemin à parcourir jusqu'à la folie de ce baiser fatal, final, ne peut que s'accomplir à travers une forme de psychanalyse qui n'est pas celle d'un divan.
Car si Les ambitieux est un hommage au récit (théâtral ou par e-mail), le film est avant tout l'éloge de la lecture. Lecture cathartique en trois temps. La lecture du livre qui n'a jamais été lu mais qui permet du coup de dialoguer. La lecture du livre d'un autre, une histoire qui fait rire et qui stimule l'auteur dans sa fierté et sa jalousie, sa possessivité amoureuse face à un rival éventuel. La lecture, enfin, du livre à ne pas lire. Celui qui révèle l'amour de l'auteur pour sa lectrice, qui expie toutes les souffrances, qui sort les larmes, qui chamboulent les émotions, qui mixent son réel avec ces lignes irréelles, l'aventure témoignée avec le document fictif. La lecture, à chaque fois, contribue à guérir, aider, évader, soulager l'auteur comme le lecteur.
Les ambitieux s'avère alors et avant tout un film romanesque.
v.
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