Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Dreamgirls


USA / 2006

28.02.2007
 



A STAR IS BORN

Le livre Bye Bye Bahia



"- Les miracles sont fréquents dans le R&B.
- C'est quoi le R&B?
- Raide et Black.
"

Oublier les "biopic" où il faut souffrir pour être belle, riche et célèbre. Balayer les vies souvenirs pour glorifier les nostalgies, forcément déformées. Il ne s'agit pas de faire un film sur la Motown ou les Suprêmes, mais de transformer une réalité en concept, de rendre des faits abstraits. Portrait d'une industrie, d'une société, d'une façon de penser, Dreamgirls a cette force de pouvoir être transposé en tout temps : radio crochets ou Star Ac. Les rêves sont identiques, les individus ont la même foi. Nul besoin d'en rajouter dans le misérabilisme morbide. Aucune nécessité de remodeler la chronologie pour donner du rythme.
DreamGirls, adaptation d'une comédie musicale de Broadway, est le dernier avatar hollywoodien ressuscitant la pop des années 70/90. Après le triomphe de Chicago, le succès en demi-teinte du Fantôme de l'opéra et malgré le flop de Rent, les studios misent sur des productions scéniques connues du public pour renouveler le genre. La comédie musicale en était restée à Minelli et Mary Poppins (en exagérant) avant de décliner inexorablement. La voici en plein revival. Et déjà "formatée". Les éclairages et couleurs - bonbon acidulé liquoreux sirupeux et pastel - rappellent ceux de Chicago. La trame (rêve de show biz sur fond de réalité sordide) fait écho à celle de Rent.
Dreamgirls réussirait presque là où tous les autres ont échoué. Le film n'ambitionne rien d'autre que d'être un "musical". Il ne se sert pas de son matériau original pour essayer de devenir un film académique ou parlé (les moments dialogués sont d'ailleurs relativement rares). Les morceaux musicaux s'insèrent de manière plus fluide. Les chorégraphies ne sont pas, à une exception près lors du renvoi d'une des Dreamgirls, conçues artificiellement pour mettre en scène la séquence. La danse est réservée aux planches. En dehors, la réalisation essaie plutôt l'allégorie. La chanson sert donc de vecteur à deux justifications cinématographiques : le métier des personnages est de chanter devant un public, la révélation des sentiments intimes de ces personnages (généralement en studio ou en répétition).

Rock n' rôles stars
Le casting, à ce titre, est nickel : de Glover en papy un peu loser à Murphy en ego star sur le déclin en passant par Beyoncé, parfaite en poupée bimbo qui peut se rebeller et encaisser la réplique la plus vile du cinéma cette année : "Tu sais pourquoi tu es coliste? Parce que ta voix n'a ni personnalité, ni profondeur." Dixit son producteur, Jamie Foxx. Celui-ci déçoit largement lors de la première moitié du film. Inexistant, sans souffrance, star de papier glacé, il s'anime lors d'un duo avec Beyoncé et parvient enfin à incarner son rôle, dès lors que son cynisme est évident. A contrario, Jennifer Hudson, pour sa première apparition à l'écran, vole la vedette à tous ces vétérans. Pas seulement musicalement (belle voix, belle émotion) puisque son jeu (il est vrai aidé du seul personnage aux tourments psychologiques intéressants) est à la hauteur de l'enjeu.
Si Dreamgirls n'est pas un chef d'oeuvre, il est une adaptation honnête du spectacle originel et une transposition humble du contexte historique. Contrairement à La Môme, il n'oublie pas son "décor" : le discours de Martin Luther King, ces chanteurs blancs qui pillaient le répertoire noir, les émeutes de banlieue, l'embourgeoisement d'une communauté, la corruption, la drogue, ... tant de choses déjà vues dans Tina par exemple. Le film a peut-être un peu plus de distance, de dérision (de voir un groupe de minets WASP reprendre un morceau R&B chaud est assez drôle). La discrimination est d'ailleurs le moteur de toute l'histoire. Discrimination économique, raciale, individuelle.
On peut aussi y voir un milieu sans foi ni loi. Injuste. En ce sens la partition de Jennifer Hudson est centrale. Animal souffrant, chanteuse géniale, son talent ne suffit pas. Il faut être malin, beau, aimable, docile. C'est peut-être le seul oubli du film : (dé)montrer que cet art n'est pas si facile, nécessite une technique, que le don inné ne suffit pas.

Destiny's Mômes A l'opposé du film de Dahan, celui de Bill Condon suit un découpage plus classique mais plus efficace. Cet habile montage qui donne le bon tempo croise des plans assez imaginatifs pour ne pas ennuyer. De même la symétrie du scénario n'est pas innocente : une première heure d'ascension ponctuée de nombreux morceaux musicaux, une seconde heure où les relations humaines prennent le dessus, puis un épilogue où la morale fusionne l'ensemble. Cependant, remercions producteurs, réalisateur et auteur d'avoir laissé en suspens la révélation faite à Jamie Foxx. Le non dit a plus de force qu'une longue explication pour le spectateur qui a déjà tout compris.
Toujours en quête d'un "nouveau son", de tubes, de "têtes de gondoles populaires", le showbiz n'a finalement pas beaucoup changé de Piaf aux Dreamgirls. Il y a les Dion et autres Nouvelles Stars. Mais si le destin de la chanteuse de la Vie en rose est finalement assez égocentrique, celui des reines de la Soul et de la Disco (selon la décennie) ne se déconnecte pas de sa communauté. La musique est avant tout une façon de s'émanciper : femmes, noirs, pauvres. Le coût de cette émancipation est bien évidemment le prix de toute liberté : l'individualisme. La "famille" se démembre au fur et à mesure qu'elle s'enrichit, se décomplexifie, s'intègre dans la société. Si La Môme cherche à prendre en prise dans une réalité restituée, DreamGirls est plutôt un conte de fée (et de faits) dans un décor presque onirique.
Il était une fois la communauté noire de Detroit dans les années 60... Ou comment devient-on Reine du bal.
 
v.

 
 
 
 

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