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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le dernier roi d'Ecosse (The Last King of Scotland)
Grande-Bretagne / 2006
14.02.2007
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L'HOMME DU PRESIDENT
"- Ils ne peuvent pas me tuer. C'est dans mes rêves."
"Le premier pays où tu poses ton doigt tu y vas." Il tourne son globe. "Canada..." Il recommence à faire tourner le globe. "Ouganda." De là débutera un voyage au bout de l'enfer pour ce jeune médecin qui ne cherche qu'à fuir le carcan étroit familial.
En plongeant son jeune candide un peu immature assoiffé d'aventures tropicales dans un régime dictatorial, infernal, Kevin Macdonald dresse à la fois le portrait d'une Afrique et celle d'une amitié. Les frontières sont infimes entre le sens du devoir et la morale quand on est le médecin d'un tyran. Ce flou dicte une histoire de dépendances, où l'indépendance d'un pays se mélange à la relation additive et "addictive" entre deux étrangers. Le lien invisible entre ces deux hommes, ces deux cultures aussi, produit l'alchimie nécessaire pour rendre leur opposition/attraction aussi fascinante que destructrice. Le dernier roi d'Ecosse est une parabole intelligente sur la décolonisation impossible, sur la fatalité d'une mondialisation, d'un métissage inéluctable.
La folie des hommes, tous deux ivres des apparences du pouvoir, au dessus des Lois, rendent le suspens plus shakespearien et dramaturgique que purement cinématographique. Cette aliénation est même le prétexte au suspens, nous demandant jusqu'où il peut aller dans l'horreur. Paranos, trahisons et élans caractériels forment l'essentiel des rebondissements de ce divertissement politico-psychologique. Le film aurait eu tort de se priver d'un tel face à face diaboliquement incarné par Forrest Whitaker et James McAvoy (qui semble avoir été stimulé par le jeu de son partenaire). Les deux apportent les nuances nécessaires entre sensibilité (le doute est flagrant) et galvanisation (la foi est visible). Histoire de deux hommes qui voulurent être Rois.
Complice
Mais la profondeur du sujet va au delà de ce simple pas de deux entre un Monstre et son esclave. Ce Sado-masochisme pose la question de la loyauté, de la fidélité, de l'humanité qu'on trouve en chacun de nous. La réponse tient davantage dans ce qu'on renie plutôt que ce qu'on soutient. Le jeune médecin n'a pas à être jugé pour cette liaison dangereuse avec l'un des pires tortionnaires de ces trente dernières années. Il sera condamné par les siens pour avoir oublié la noblesse de sa mission, pour l'abandon de son serment, pour la corruption qui gangrènera jusqu'à son équilibre psychique.
Ce film, sans en avoir l'air, nous a invité dans l'antichambre de l'enfer. Le jeune occidental, notre image finalement, se laisse envoûter par tous les vices : tabac, alcool, sexe (désirs assez maladroitement et naïvement filmés par ailleurs). Tout se noircit, nous oppresse. Monde absurde, irrationnel où "toutes les aberrations de la nature sont possibles." Jusqu'au démembrement de sa propre épouse, coupable de l'avoir trompé. Début d'une escalade vers un final insoutenable. Crescendo, Le dernier roi d'Ecosse ménage son effet pour exhiber crûment la réalité violente et atroce du régime d'Amin Dada. La torture de son protégé devient alors passion christique, saignante, charnelle, effrayante. L'image est peut-être d'autant plus insupportable que les deux personnages étaient parvenus à nous convaincre de ce qui les rapprochait. Tuer l'autre apparaît alors comme un acte bestial et injustifiable. C'est sans doute la meilleure des illustrations à apporter pour transposer ces heures sombres de l'Ouganda.
Le film parachève sa maîtrise avec une direction artistique et technique - image, musique, montage - qui ne laissent rien au hasard et séduisent immanquablement. Cela suffira-t-il pour se préoccuper de certains cas encore existants : Myanmar, Zimbabwe, Turkhménistan et autres Darfour? Il est évident qu'au Canada notre jeune médecin n'aurait pas eu tous ces ennuis... vincy
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