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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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© Metropolitan Filmexport
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Le Voile des illusions (The Painted Veil)
USA / 2006
07.03.2007
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HYMNE A L'AMOUR
"- Le plus beau voyage est celui qui rapproche deux personnes."
Le film débute dans une campagne chinoise inondée de pluie. Un couple attend. Il ne se regarde plus, ne s'aime plus. Entre eux s'est instauré une sorte de rapport étrange, assez caractéristique des mariages de l'époque, plus d'intérêt que d'amour. Comment en sont-ils arrivés là ? Comment deux personnes en viennent-elles à se mépriser à ce point ? John Curran, qui avait déjà exploité les relations de couple avec We don't leave here anymore s'est associé au scénariste de Philadelphia pour conter cette histoire d'amour désabusée. Il parvient immédiatement à instaurer une atmosphère moite, palpable qui recentre l'action sur les personnages principaux, interprétés sublimement par Naomi Watts et Edward Norton, apportant tous deux un jeu plein de retenue et de sensations refoulées. Tourné essentiellement en Chine, les extérieurs, somptueusement filmés en plans larges mêlés aux touches subtiles et envoûtantes du piano de Lang Lang, renforcent cette ambiance pesante, où le drame reste sous-jacent, prêt à éclater à n'importe quel moment. Quelque part entre Graham Greene et Tennessee Williams. Le cinéaste ne juge jamais ses personnages, nous offrant leurs points de vue divergents. Kitty a épousé un homme qu'elle n'aime pas, et elle tente de jouer les épouses modèles. Seulement, elle n'a pas la même conception de la vie que son mari. Elle aspire à la légèreté, à la frivolité parfois, c'est une jeune femme vivante et épicurienne. Walter, quant à lui, est plus réservé, mais très amoureux d'elle. Il est maladroit, introverti, rigide et bien plus à l'aise avec ses éprouvettes et les bactéries qu'il étudie qu'avec les humains. Complètement opposé à Kitty, il ne la rend pas heureuse mais ne le réalise pas. Jusqu'au jour où tout bascule. Cette femme qu'il aimait, en qui il avait confiance, le trahit et commet l'adultère. Humilié, blessé, il lui offre un étrange marché qu'elle ne peut refuser, abandonnée par son amant qui n'a cure d'elle. Walter lui fera payer très cher le prix de son infidélité, la méprisant un peu plus chaque jour. La valse des émotions commence pour les deux personnages : colère, humiliation, désir de vengeance, haine, amour… Tout se mêle et s'entremêle avec une lenteur calculée, savamment dosée. Tout concourt à cette ambiance si particulière, sur le fil, obtenue par le réalisateur.
Véritable œuvre de contrastes, Le Voile des illusions bouleverse par sa simplicité. Opposition non seulement entre Kitty et Walter mais également entre l'insouciance de Londres et de Shanghai, face à la violence de l'épidémie de choléra qui sévit dans la province chinoise. John Curran fait se côtoyer christianisme et bouddhisme, paysannerie et colonialisme, Chine, milieu du monde, et étrangers venus d'ailleurs. La tâche n'est pas aisée pour Walter, volontaire pour étudier et tenter de résoudre le fléau, mais qui se heurte au scepticisme des chinois, le considérant comme l'envahisseur britannique. Il y a de nombreuses légendes en Chine qui racontent qu'un sauveur, un docteur, un moine a sauvé une ville d'une invasion de scorpions empoisonnés ou une maladie virale. Pendant ce temps, Kitty erre dans sa maison, s'ennuie à mourir jusqu'au jour où elle se rend à la ville pour aider les religieuses de l'orphelinat. Elle s'investit dans sa nouvelle fonction et trouve un sens à son existence morne. Elle en vient à observer le travail de son mari et le dévouement de Walter la touche au plus profond de son être. Elle a la sensation de le (re)découvrir pour la première fois. Peu à peu, elle va tomber amoureuse de son mari, et lui comme touché par la grâce de ces nouvelles sensations, trouvera la force de lui pardonner. Seulement le drame reste présent, presque prévisible, et la tension croît au fur et à mesure que leur amour se ravive. Et finalement, l'ampleur de la passion ne prime pas, ce qui importe c'est de la connaître une fois dans sa vie. De le garder au fond de soi, pour continuer de faire brûler quelques ardeurs, en attendant la fin.
Florine
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