Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Angel


France / 2007

14.03.2007
 



PESTISSIME





« Désirer, désirer, désirer et en faire une réalité. »

Angel n’a rien d’un ange. Peste, égoïste, superficielle, tyrannique, ignorante, exubérante, manipulatrice, snob et méchante, elle ne jouit pas des attributs caractéristiques de la princesse charmante mais plutôt de la trempe d’une sorcière. Jeune auteure de romans à l’eau de rose, midinette rêvant d’amour et de gloire, dépourvue de talent littéraire mais affublée d’une imagination débordante pour ne pas dire dévastatrice, c’est un mélange entre une excentrique Barbara Cartland et une capricieuse Scarlett O’Hara. Excellent parti pris de François Ozon en se lançant dans cette narration étrange : ce qui aurait pu être un banal mélo avec une héroïne si peu sympathique a priori se mue en allégorie de la célébrité, en abstraction de la folie, en schizophrénie de l'écriture. Chacun aura son niveau de lecture, sa vision de la métaphore.
Son Angel semble en perpétuel décalage. En menant sa vie comme elle l’entend, elle s’extrait des carcans de l’Angleterre edwardienne, incarnant ainsi une volonté d’émancipation féministe avant l’heure. Mais paradoxalement, son snobisme et la négation de ses origines modestes la poussent à afficher un goût anachronique pour le kitsch et le tape à l’œil, les animaux et les tentations saphiques. A ce titre, les décors et les costumes tout en profusion et en frous-frous ridicules illustrent à merveille sa personnalité grandiloquente et sa fuite névrotique de la réalité. Mais est-on dans la réalité ou nous raconte-t-on une histoire à l'eau de rose?

Ozon a choisi le parti pris de la distance ironique pour raconter l’existence de son personnage dont la structure classique pourrait se résumer à grandeur et décadence. Il y a quelque chose de Tchekhov dans cette folie individuelle, cette aliénation sociétale. Malgré tout, il lui porte une affection et une admiration manifestes. Mais il a parfois du mal à tenir l’équilibre entre le second degré et les pointes de compassion, de sorte que le spectateur ne parvient pas toujours lui-même à prendre position. Malgré ses efforts pour tenter de nous y faire croire, l’histoire d’amour par exemple s’avère équivoque : on ne parvient pas à définir si elle est sincère ou intéressée. Les seconds rôles (admirables) qui agissent comme des contre-pieds entretiennent cette ambiguïté. Michael Fassbender dégage un charisme animal dans le rôle d’Esmé, peintre précurseur et incompris de ses contemporains, à la fois réaliste et insolent, torturé et pessimiste. De la même manière, l’éditeur (Sam Neill) et Nora (Lucy Russel) sont aux antipodes du personnage principal. Mais tous sont happés par la tornade Angel, tous se soumettent à l’autorité de son désir tout en désapprouvant fondamentalement ce qu’elle est. Seule Charlotte Rampling incarne le point de vue distancié, objectif et indépendant du spectateur, que ce soit sur l’être humain ou sur l’artiste.

Avec Angel, Ozon ne se contente pas de détourner le conte sirupeux pour midinettes. Parallèlement, il poursuit sa réflexion sur la création et son emprise qu’il avait entamée avec Swimming Pool. Son écrivaine voudrait faire plier le réel à son imaginaire mais ne parvient qu’à le nier, voire à le sacrifier. Illusion de la création artistique. Excessive à en devenir grotesque, son héroïne est sans cesse en représentation. Peinture d'une starlette de type Bardot. Le monde et les êtres qui l’entourent ne sont que des objets. Si Ozon admire son intransigeance et le courage avec lequel elle impose ses volontés contre les pressions extérieures, il souligne également l’extrême vanité de son entreprise. Miroir, mon beau miroir ?
 
Karine

 
 
 
 

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