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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ensemble, c'est tout
France / 2007
21.03.2007
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C'EST UN BEAU ROMAN, C'EST UNE BELLE HISTOIRE
"- C'est la première fois depuis très longtemps qu'on s'occupe de moi comme ça."
Une belle histoire. Une romance d'aujourd'hui. En adaptant le best-seller éponyme d'Anna Gavalda, Claude Berri prenait des risques, principalement celui de décevoir ses lecteurs, comme souvent lorsqu'il s'agit d'un culte un peu irrationnel échappant aux élites. Il condense les 600 pages du roman en une heure et demie et choisit le parti d'en faire une savoureuse comédie romantique à la sauce amère et américaine. Il épure la psychologie complexe et torturée des personnages – qui, avouons-le ne passerait pas très bien à l'écran – et se recentre sur l'histoire d'amour qui lie les quatre personnages principaux. Quatre écorchés de la vie, légèrement nombrilistes ou piégés par leur condition, qui se retrouvent, par hasard, sous le même toit, réapprennant à aimer la vie au contact des uns et des autres.
L'enjeu se concentre sur les relations entre Camille et Franck, qui passent du rejet à l'attirance, avec quelques mots crus, contemporains et actes purement cinématographiques (et qui font du bien). Là où Gavalda nous proposait une œuvre mélancolique et bouleversante, Berri lui axe son film sur le romanesque des situations, sans trop perdre en émotion, en gagnant parfois en réalisme. Il y a un parfum des comédies de mœurs des années 70, des couleurs qui nous font revivre les années 70 de ses collègues disparus (et regrettés) : Sautet, Truffaut...
Ces personnages sont en souffrance. Ils ne savent plus aimer, plus s'aimer, la vie les a trop abîmés, trop cabossés et leur manque de repères dans un monde cruel les rend défensifs, alors qu'ils rêvent de générosité, de solidarité. Berri accompagne bien ce mouvement de balancier entre le froid et le chaud, la ville et la campagne, la solitude et le groupe. Il est plus pertinent encore lorsqu'il dépeint un Noël en entreprise (factice), en famille aristo-catho (risible), ou au boulot, au resto (sympathique). Le cadre social et familial, entre intermittents, prolos et cuistots en fait une œuvre modeste, spontanée, malgré le duo de luxe. L'addition de ces quatre personnalités donne un résultat qui prend tout son sens quand ils sont "ensemble" (et c'est tout, dans le sens un total). En quête de sens, leur vie prend le bon virage lorsqu'ils se confient aux autres. Cette philosophie très en phase avec l'ultra-moderne solitude de notre société se glisse avec emphase dans un optimisme qui redonnera le sourire aux plus tristes. Berri a toujours aimé ces histoires douces et acides, pêchues et franchouillardes. Hors du temps, avec ses snobs, ses galères, ses cœurs qui battent, ses métissages impromptus, ses différences jamais jugées.
Lumineuse Audrey Tautou. On ne voit pratiquement qu'elle et le cinéaste a su doser, rééquilibrer le film pour que chaque personnage brille de la même manière. Le quatuor d'acteurs, indispensable au succès du film, fonctionne à merveille. Guillaume Canet crée la surprise dans le rôle de Franck, presque trop beau gosse pour ce rôle de presque salaud. Mais la magie du cinéma doit opérer… et l'histoire d'amour s'incarne comme par enchantement. Françoise Bertin campe une vieille femme un brin espiègle et terriblement attachante, jusque dans sa scène finale, pudique et touchante. Enfin, Laurent Stocker, sociétaire de la Comédie Française, dans le rôle de Philibert, l'aristo complexé, offre une prestation unique, bourrée de talent, entre rire et émotion. Volant toutes les scènes comme s'il s'agissait du rôle de sa vie. Finalement, avec son casting et sans avoir voulu faire un hit de multiplexe, Claude Berri a su s'approprier le roman, l'adaptant à son goût, tout en y restant fidèle, prolongeant la grande histoire d'amour entre littérature et cinéma, muant l'un vers l'autre, incitant les deux à se nourrir. Berri mérite trois toques.
Florine
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