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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Irina Palm
Royaume Uni / 2007
09.05.2007
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JEU DE PAUME
"La première fois c'est gênant."
Irina Palm a tout d'un film rock assez âpre, granuleux, éraillé. Il est à l'image de la voix de Marianne Faithfull. Il peut être poussé par un élan accélérateur comme il s'autorise des silences et des pauses. Il peut se muer en blues vocal comme en solo instrumental. L'instrument, virtuose dans le cas présent, est une chanteuse devenue comédienne par la grâce de Chéreau. On retrouve ce désir de jouer sur deux cultures : la présence physique, l'incarnation naturelle et l'absence de soi, la soumission à un autre moi. Dans Irina, Marianne est une anglaise parfaite, généreuse, prude, sociable, veuve. Elle se métamorphose progressivement en une femme qui s'affranchit de son passé, s'épanouit pour elle même, vit enfin. En transgressant les tabous, en mettant la vérité au coeur de ce jeu de menteurs. En descendant dans les enfers, à aller chercher son Orphée, un tenancier de bar à pûtes. Elle y descend littéralement, hésitante, pas à pas, marche par marche, sous la lumière des néons rougeoyants, alarmants. Les sous-sols regorgent de chair et de vices. Et c'est pourtant là qu'elle y découvrira l'humanité, qu'elle s'y révélera utile pour la société.
Irina Palm, ainsi, séduit largement. l'histoire est intelligente, la mise en scène discrète, les acteurs valorisés. Il manque, cependant, un petit quelque chose pour en faire un grand film. Une maladresse d'écriture qui empêche les personnages d'évoluer pleinement à travers leurs épreuves. Une ambition freinée par une réalisation et un scénario déjà vus. Cette allure de film sans joie, mais ne manquant pas de foi, envoûtant et étouffant, flirtant avec les Frears de l'époque thatchérienne, où le libéralisme a causé des ravages psychologiques et humains. Tout se monnaye même la branle. La vie d'un enfant coûte des salaires entiers. Les banques sont impuissantes à aider, et vous le disent, en bonne et due forme, en uniforme bien cadre sup, en sourire bien figé.
Irina Palm c'est l'histoire d'exclus prêts à tout pour survivre, où les inclus ne sont plus de votre monde. "Ici hôtesse signifie putain". Une femme fanée prête à devenir experte en travaux manuels, une veuve poignet. Les mains sales, la tête haute. Une ouvrière qui pratique à la chaîne le va et vient sur des engins à lubrifiés. Avec pour seul risque le pénis elbow. La caméra est ingénieuse pour ne rien nous exhiber. est-ce une si bonne idée d'être prude quand on en conteste toutes les hypocrisies? La sensualité arrive à surgir dans cette rugosité. Comme la moralité puise sa force dans l'immoralité.
Maggie / Irina aura besoin d'une nouvelle identité qui lui permet de séparer sa vie officielle et sa vie honteuse, comprendre la dureté et l'infidélité amicale des deux. Sorte de dialectique où deux mondes à part ne sont pas séparer par autre chose que des jugements moraux différents.
La lumière survient avec la rencontre entre deux êtres abîmés, sensibles, rayonnants, entre souffrance et animalité. L'étincelle se produit presque trop tardivement pour nous allumer. Pourtant, il y a bien une magie dans les regards, une alchimie entre les deux comédiens, qui produit quelque chose d'évident, de joli. Irina quitte alors son chemin de croix pour sauver son petit-fils, pour retrouver la voie toute aussi incertaine d'un avenir heureux possible. Une quête de bonheur à travers une histoire de quéquettes. Si le cinéaste n'a pas su en faire un rapport jouissif avec le spectateur, celui-ci peut toujours y trouver du plaisir à mater ce plan cul sans l'once d'un bout de peau. Justement parce que Irina Palm c'est un film rock. L'énergie n'est pas dans l'apparence, mais ce que dégage ces personnages cassés, mais plein d'espérances.
v.
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