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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Waiter! (Ober!)
Pays Bas / 2006
25.07.2007
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BUREAU DES RECLAMATIONS
« - Tu as changé de maquillage ?
-Non pourquoi ?
-Tu as une drôle de tête.»
La misère créative de l’auteur devient un sujet de cinéma. Désormais le personnage fictif se mue en emblème d’une schizophrénie qui relie la littérature à l'image. D’Adaptation au récent Harold Crick, les créatures sont en quête de leur auteur et lui dictent leur point de vue. L’auteur est ainsi prisonnier de ses simulacres. Et cela donne un film double où les gens meurent mais l’ignorent. La fiction cohabite avec la fausse réalité. Tout cela n’étant qu’une somme de deux histoires produisant du cinéma.
Cela créé trois films en fait. Le futur scénario, absurde, caustique, amer. Un portrait d’individus désespérés qui se sentent mal à l’aise dans une vie qu’ils ne maîtrisent pas. Alors ils viennent se plaindre à l’auteur. Ce qui est un autre film. Les dialogues fusent, une tension naît. L’auteur ne semble pas mieux contrôler la situation, sur sa page blanche comme dans son couple. Survient alors une juxtaposition des deux parties. Individuellement, elles fonctionnent bien ; réunies, elles font de Waiter un film bancal, dosant maladroitement ses excès et sa rationalité.
En fait l’histoire du serveur suffisait presqu’amplement. Un film qui aurait été digne du génie de Peter Sellers. Tout le drame et le pathétique de l’ultramoderne solitude se trouvent dans le premier quart d’heure. Cet aspect typiquement nordiste de savoir rire d’un état dépressif. L’humour est présent, mais le rythme ne suit pas. Il y avait quelque chose à tirer de cette mise en abyme où l’absence d’imagination produit des actions terrifiantes de banalité. Des séquences brillantes où le rire jaune et l’humour noir coexistent (celle des hommes d’affaires par exemple) ne fonctionnent pas avec celles trop clichés où l’on ne croit jamais à l’issue annoncée (les malfrats, au hasard). Le constat sur nos comportements contemporains est lucide et acide quand l’imaginaire est plat.
Waiter parvient à créé de nouvelles dynamiques en supprimant ou ajoutant des personnages, à la manière d’une série américaine. En variant ainsi les scènes autour d’un même thème, le film démontre la panne d’inspiration à laquelle est confronté le créateur. Pire, il n’insuffle aucune beauté, aucune poésie, aucune rêverie à ses personnages, prisonniers de songeries en toc, d’utopies déjà vues et de désirs au rabais. Parfois une interactivité bien trouvée (comme le clavier bloqué sur « e », et le personnage incapable de prononcer autre chose que « e ») permet d’entrevoir ce que le film aurait pu être.
Portrait d’un monde déshumanisé, d’une société humiliante, il y avait sans doute plus de matière du côté de ce nouvel esclavagisme – le service client - que de celui du serveur, serf des temps modernes. On prend pitié de ce personnage moderne, minable, au milieu de gens profondément antipathiques se laissant tous tangués par leurs destins chaotiques.
Entre ennui et fascination, Waiter ne réussit pas à couler complètement son personnage à la dérive. L’aliénation individuelle est toujours sauvée par un effort de vouloir finir, plutôt que d’en finir. Le film ne va pas jusqu’au bout de sa logique destructrice. Quitte à écrire un mauvais script, il fallait lui opposer un exercice de style plus puissant. Plus empathique. Plus pétillant. Car, au final, un moyen métrage sur les mésaventures d’un serveur aurait peut-être suffit. v.
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