Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Hairspray


USA / 2007

22.08.2007
 



COIFFURES ET EN MESURE





"- J'ai risqué les MST, croyez-moi elle risquera la prison!"

Aux racines de l'American Way of Life - régimes, télé, hypocrisie, diktat de l'apparence, positivisme - Hairspray est, globalement, une ode à la différence. Queen Latifah en est ainsi le meilleur des symboles : enveloppée et noire, perruque blonde et grande gueule inclues. Elle est l'anti-Pfeiffer, blonde laquée, pin-up vivant sur son passif avec ses actifs, mince et sexy, peste et WASP. Latifah est l'avenir quand Pfeiffer est le passé.

Le pas léger prêt à se trémousser
Une fois ce constat binaire qui tient lieu de morale comme de message, Hairspray est avant tout une comédie musicale, on y parle même assez peu, entraînante (entertaining) et trépidante. On en trépigne sur son fauteuil. Dans le style le plus fidèle au genre hollywoodien, tout est glamour, pastel, laqué. Le trash est lissé : il y a bien un gag scato, une robe de mariée en PQ, un camion poubelle comme véhicule de transport, un exhib (John Waters lui-même)... Même le fameux travelo Divine est remplacée par une star grimée en la personne de Travolta. Ce subterfuge est, selon, énorme ou gonflé. On reste cependant ahuri et impressionné devant les pas de danse nous rappelant ses années "sveltes" et discos. Il ne faut pas oublier les autres stéréotypes comme la Lolita, des beaux blacks en Converse, le beau brun du lycée,la petite dernière très douée et cette Tracy, sorte de Marilou Berry qui s'assumerait sans soucis, jouant les divine (american) idoles en quête d'idylle.

Poids lourd coté écriture
Hairspray ne fait pas dans la dentelle d'un point de vue scénario. Tout est prévisible. Limite binaire quand ce sont juste les noirs qui remplissent la salle des fumistes scolaires. Heureusement, les dialogues savoureux mettent du piment et relèvent la sauce : "- Ma vie sera vide. - Ca te forgera le caractère." Le happy end est un détour obligé.
Le film est plus touchant que Rent (sans le pathos), plus efficace que Chicago (sans l'esbroufe), il s'agit sans aucun doute de la meilleure adaptation d'un "musical" de Broadway ces dernières années. Hairspray est l'équivalent superficiel et léger du dramatique Dreamgirls. Dans tous les cas, Hollywood démontre que les blancs ont bien pillé les noirs musicalement...

Honneurs aux vétérans
Mêlant politique et romantique, le film joue avec deux notions : l'aspiration (le blanc rêve de bouger comme le noir, le noir rêve d'avoir les droits d'un blanc, les gros veulent être minces, les filles veulent être blondes...) et la transgression (s'affranchir des règles et des dogmes). Ces deux ressors, soutenus par de bons personnages principaux, permettent au film de s'élancer et de ne jamais s'arrêter jusqu'au final. La jubilation des comédiens à jouer leur partition est palpable. Leur bravoure à ne pas en faire des caricatures mais, au contraire, à y glisser l'étincelle dans leurs yeux ou à balancer le geste qu'il faut, leur donne un charisme irrésistible. Chacun a le droit à son pas de deux. On se régalera avec la bluette entre Travolta et Walken (pas loin de chorégraphie sur le rap de Fat Boy Slim) ou Pfeiffer se la refaisant Susie sans ses Baker Boys. Mention particulière quand même à Queen Latifah qui porte sans aucun doute le rôle le plus dense et a le coffre nécessaire pour les chansons les plus intenses.

Intégration et pas ségrégation
Dans cette marche vertueuse où la ségrégation est le mal absolu, l'émancipation des jeunes comme des noirs, la seule voie possible, le côté Star Ac nous échapperait presque. Pourtant Waters avait imaginé il y a presque 20 ans une histoire où la fascination du show-biz égalait le désir de sortir de leur condition précaire. Terriblement contemporain, peut-être à l'époque trop avant-gardiste.
Car Hairspray c'est aussi la bataille des exclus contre les nantis, des prolos contre les puissants, des humanistes contre les pieux religieux. Le chanson et la danse deviennent alors les moyens d'expression pour se faire remarquer. A condition de ne pas suer, puisque "Maman m'a interdit de transpirer". Laquais au service d'un sponsor, fabriquant de laque, les cheveux sont presque une allégorie : l'héroïne mélange le blanc et le noir, puis finira par abandonner les choucroutes. C'est aussi l'époque où tout le monde était élégant, les garçons en cravate, les filles avec des décolletés décents. Les déhanchements sont sexuels chez les noirs, les mouvements sont calculés chez les blancs. Les noirs allument quand on prépare les blancs au bal de promo. Les causes aussi étaient grande (l'intégration, l'égalité). "Invités par des gens de couleur! C'est trop cool!"

Certes la nouvelle version a perdu ses aspects les plus cultes - le trash, les imperfections, la fougue amorale, le délire primaire, le mauvais goût... Mais Hairspray, continuant d'être dans l'air du temps, a réussi là où The Producers avait échoué dans sa transposition entre Broadway (énorme hit) et le cinéma (gigantesque flop). Le cinéaste n'a pas lésiné sur le rythme, a donné le beau rôle aux acteurs et a réalisé un divertissement coloré, efficace, ni cynique ni niais. Juste ensoleillé en ces temps de grisaille ambiante.
 
vincy

 
 
 
 

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