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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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99 F (99 Francs)
France / 2007
26.09.2007
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ON RESTE SUR SA FIN
«- 35 ans. Indéniablement les meilleures.»
Un demi-tarif devrait suffire malgré une deuxième fin offerte au public. 99 F n’est pas un mauvais divertissement, ni même une adaptation littéraire ratée. Le montage frénétique, la richesse du matériau original et le juste jeu de Jean Dujardin rendent l’œuvre agréable et distrayante. Mais le sujet, à l’instar d’un Podium, renvoie à une époque ringarde, là où le roman était contemporain. Les effets visuels, qui se substituent habilement au langage publicitaire du livre, rappellent l’imagerie de David Fincher dans Fight Club (ce qui n’est pas neuf), et au delà de la critique pamphlétaire sur le système publicitaire, 99 F n’explore aucune autre voie, se contentant de décrire un monde décalé, débauché, décadent, cynique, indécent. Le second degré visuel n’est jamais appuyé par un discours subversif. Il manque une dimension politique à 99 F pour sortir de son carcan dénonciateur, pour compenser l’humour noir mais peu corrosif.
Pourtant, du début très trash au premier final très fatal, le personnage (christique, avec un boxer ridicule) évolue dans un univers broyeur de créativité et d’individu, passant de la gloire à la destruction. Le pétage de plombs en 90 minutes. Cette spirale descendante façon clip MTV est assez bien amenée, ponctuée régulièrement de soubresauts nécessaires à l’œil télévisuel. De même les parodies (In the mood love) démontrent que le cinéma a souvent plus impacté sur la pub que l’inverse. Cependant, la profusion d’images et d’inserts rend difficile la lecture même du message. On est tous des codes barres à condition d’en lire les chiffres. L’hommage aux pubs « vintage » est davantage convainquant. Eram, Apple, Kodak... De grands classiques pré-bandes annonces.
Partant du postulat que « l’œil n’avait jamais autant été sollicité de son histoire », Kounen nous remplit aussi les oreilles avec une voix off omniprésente, laissant peu de place aux dialogues. C’est pourtant une répartie en Quivrin et Dujardin, créant « live » une pub pour la multinationale du yogourt (pas sûr que Danone, euh Madonne, apprécie), qui restera comme la séquence la plus inspirée et la plus intéressante. Les réunions chez le client, ces coulisses de la culture pub, permettent au film de frôler ce qu’il aurait dû être : une charge contre un système qui aliène l’homme / consommateur. « Les noirs c’est trop segmentant. » Violente diatribe et pourtant si souvent entendue. A l’inverse l’attaque contre Kinder semble trop facile, digne d’un sketche de comique de deuxième zone.
Pendant 90 minutes 99 francs pouvait valoir 9 euros la place. Pour toutes ces raisons, avec toutes ces réticences. La première fin, de ces hallucinations toxicos à la Las Vegas Parano qui nous dévie dans un jeu style Carmageddon à la conclusion pessimiste mais réaliste, le film de Jan Kounen avait cette dose de nihilisme nécessaire pour être sous le choc. Sans être majeure, la comédie s’avérait singulière. Mais le panel de spectateurs est invité à voir une seconde fin. Différente. Où le réel se mélange au virtuel. Où l’on sauve les apparences, où l’on se baigne dans une utopie. Pour s’échapper de Matrix, faisons comme Robinson. Illusions tragiques. Et surtout l’écriture de ce second épilogue, assez inutile finalement, est moins percutante. On regrette la première fin. On comprend que Kounen ait été séduit par le trip chamanique et écologique. Mais le voyage semble un peu hors sujet. Comme si on voulait nous vendre un happy end alors qu’on sait très bien que producteur, acteurs, auteur ne pourraient pas se passer de leurs métiers, de leur célébrité, de leurs diverses dépendances. Beigbeder a remplacé le milieu de la pub par celui de la télé. Et vise désormais, sans doute, le ciné. Nous le savons et cela rend encore plus impossible de croire à cette seconde conclusion où le bonheur est simple comme un bout de film, un rêve factice.
v.
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