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LE ROI COLOMBE
"- Tu viens pour ta sodomie ?
- Non, pour un conseil…
- L'un n'empêche pas l'autre…"
Sans révolutionner le paysage cinématographique actuel, il faut bien avouer que Sa majesté Minor, avec ses truies si humaines, ses faunes lubriques et ses pures jeunes filles totalement décomplexées, le chahute gentiment. Ici, rien n'est lisse ni propre. Puisqu'on est dans la tradition de la fable, tout est absolument possible, du plus fantasque ou moins politiquement correct. Jean-Jacques Annaud laisse alors les instincts s'exprimer et la chair se rassasier sans complexe ni tabou, partant du principe qu'en ce temps-là, les notions de culpabilité et de pêché n'avaient pas encore été inventées par les religions monothéistes. Pour être parfaitement honnête, il n'y a pas non plus grand chose de quoi s'offusquer. Un zeste de zoophilie (jamais montrée), une certaine truculence dans le vocabulaire, quelques sexes en érection… rien qui, placé dans le contexte du conte fantastique, ne dénote vraiment. Bien sûr, ce n'est pas toujours subtil, et la grivoiserie bon enfant frôle parfois le tristement trivial, comme lorsque le porc reprend le dessus sur l'homme.
Mais globalement, on est plus dans la pochade entre amis que dans la provocation scandaleuse. Normal, puisqu'avant tout, Jean-Jacques Annaud et son scénariste fétiche Gérard Brach se sont amusés. On sent bien le plaisir qu'ils ont pris à recréer cette micro-société antique baignée de légendes et de mythes en devenir, arrosée de soleil et de verdure. Chaque second rôle a une véritable épaisseur, souvent comique, de la grosse matronne pas farouche aux divers notables du village, avec leur mesquinerie et leur sottise. Leur "héros" sort singulièrement de l'ordinaire, et prouve une nouvelle fois que, bien dirigé, José Garcia parvient à ne pas en faire des tonnes. Le personnage de Pan (mi-bouc, mi-humain, Dieu des bergers et des troupeaux, symbole de fertilité et de puissance sexuelle), lui, place le film sous le signe du plaisir et de la démesure.
Il y a d'ailleurs de l'excès, de l'incongru, et même des passages grotesques dans Sa majesté Minor, mais également des séquences oniriques, presque poétiques. Un mélange des genres qui rend hommage à la force des rêves et de l'imagination, à la beauté de cette mythologie qui a bercé notre enfance par-delà le temps. Un hymne à la vie, tout simplement, qui a le mérite d'oser, un peu hors piste, donc cahotant et inconfortable, mais avec une liberté malicieuse qui ne manque pas de panache, à défaut de véritable intérêt. MpM
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