Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Jane (Becoming Jane)


Royaume Uni / 2007

17.10.2007
 



UNE AUSTEN PAS AUSTERE

Le livre Bye Bye Bahia



"- Que fait-elle?
- Elle écrit.
- Et on ne peut rien y faire?
"

Florilège de citations et de références, le biofilm Jane est une oeuvre littéraire dès ses origines. Impossible de dissocier le personnage titre et son oeuvre, sa vision du monde de l'époque.A chaque adaptation cinématographique d'un de ses romans, le personnage de Jane Austen vivait à travers son héroïne. Aussi, bien qu'il soit a priori classique, qui plus est costumé, et même cadré comme un film indépendant visant quelques Oscars et un public féminin, ce film a évité bien des écueils. Le premier, et pour nos mémoires de cinéphiles pas le moindre, est celui du casting. A peine deux ans séparent la brillante adaptation d'Orgueil et préjugés où Keira Knightley incarnait magnifiquement l'idéaliste passionnée typiquement "austennienne". Or Anne Hathaway, décidément se révélant à chaque film comme l'une des comédiennes les plus intrigantes de sa génération, impose son charme et son esprit - "le plus traître des talents" - sans aucun artifice. Son duo avec James McAvoy (qui lui aussi dévoile à chaque film l'étendue de son jeu) fait des étincelles. Une beauté irradiante et même un magnétisme certain unit ces deux acteurs, et permettront de palper, derrière les artifices d'un cinéma assez cadré (trop sans doute), l'attraction irrésistible entre la féministe éclairée et le prétentieux dissipé. C'est ce qui les sépare qui les unit. Leur antagonisme se complète. Orgueilleux et pleins de préjugés, les deux jeunes tourtereaux trouvent chez l'autre ce qu'ils n'ont pas en eux, tout en étant en parfaite symbiose avec qui ils sont. Les deux ont cependant un lien commun : une révolte contre le carcan familial. Austen, et c'est ce qui sans doute échappe à beaucoup de lecteurs, est une romantique mais avant tout une adolescente. Ce film démontre très bien le parcours de cette femme incapable de faire un compromis avec la réalité, avec la maturité.

Satisfaits d'eux même, mais insatisfaits intimement, ces insolents arrogants effrontés impertinents confrontent avec choc leurs egos. Un peu avance sur leur temps. La liberté semble impossible. Au mieux on a le confort matériel ou l'intégrité morale. Selon ses faiblesses ou sa force. Le film reste éminemment romantique, où "l'amour est toujours l'ennemi du bon sens." Une belle histoire d'A qui finit mal, en général.
Si Orgueil et préjugés nous avait marqué par la grâce de sa mise en scène et sa somptueuse musique, ici la réalisation, assez lisse, ne fait pas de faute de goûts. Quant à la musique, elle est à la fois folklorique et mélodieuse, guillerette et classique. A l'image du bal, où se suspend nos regards sur cette magie invisible qui concrétise l'alchimie du jeu, la rencontre de deux comédiens, l'amour (factice pourtant) qui traverse la pellicule. Joli moment, très fluide, où la caméra et les acteurs utilisent le mouvement et l'éclipse, pour insuffler un sentiment universel et atemporel, comme les romans de Jane Austen. Bien sûr rien ne sera aussi beau que ses propres mots à elle. Mais le cinéma a bien compris que ses fièvres et ses songes étaient un matériau inaltérable pour un 7è art en manque d'inspiration.

Jane débute avec l'une de ses phrases : "Les frontières de la bienséance furent prises d'assaut mais épargnées en toute décence. Néanmoins elle demeurait insatisfaite." Tout le film, dans le fond comme dans la forme, épouse cette phrase. Tous les tabous (de l'époque) sont transgressés mais tout reste pudique, comme une oeuvre anglo-saxonne digne de ce nom. On peut le reprocher (vainement) ou se laisser emporter.
 
v.

 
 
 
 

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