|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Mon meilleur ennemi (My Enemy's Enemy)
USA / 2007
07.11.2007
|
|
|
|
|
|
PERSONA NON GRATA
La réussite du documentaire de Kevin MacDonald est d’avoir su nous plonger avec intelligence et sens du didactisme bien au-delà du simple « cas Barbie ». Ne souhaitant pas faire un énième film sur le « Boucher de Lyon » et son rôle pendant la seconde guerre mondiale, le cinéaste écarte la perspective et revisite une histoire complexe toujours en mouvement dotée de ramifications parfois insoupçonnées. Mais ne nous y trompons pas, la pierre angulaire de ce documentaire reste Klaus Barbie, implacable bras armé des circonstances à la fois exécutant et instigateur. Au lieu d’énumérer par l’utilisation symbolique des images la barbarie d’un homme passé maître dans l’art de la séquestration, de la torture, du meurtre et de la déportation d’enfants juifs, Mon Meilleur Ennemi démontre le poids des idéologies et des luttes d’intérêts dans un monde foncièrement amoral qui pense pouvoir combattre le mal par le mal.
D’une modernité troublante, le cas Barbie sert également de démonstration au fonctionnement des gouvernements prêts à tout pour servir leurs causes. Dans cet esprit, l’utilisation d’anciens fascistes afin de lutter plus efficacement contre des idéologies subversives sous couvert du principe de démocratisation, dénote un agissement politique d’une amoralité pragmatique consternante. En posant un double regard sur l’homme à travers ses différentes vies (génocidaire pendant la guerre, agent spécialisé de la lutte anti-communiste après la guerre, citoyen pro-dictature en Bolivie), le réalisateur montre l’inhumanité des gouvernements et pose une réflexion à la fois éthique et philosophique qui dépasse le personnage qu’a pu être Klaus Barbie. Afin de saisir au mieux cette donnée historique en soulignant la dangerosité d’une telle pratique, le cinéaste s’attarde peut être de trop sur les agissements de Klaus Barbie pendant la guerre. Si elle permet néanmoins aux spectateurs de (re)découvrir le tortionnaire de Jean Moulin, elle n’apporte pas grand-chose à la deuxième qualité du film de Kevin MacDonald.
En effet, le réalisateur ne joue jamais avec la facilité et structure son documentaire par le biais d’un agencement pensé entre images d’archives, témoignages et voix off. Il signe alors un « vrai film » de cinéma aussi bien dans son approche inédite (deuxième vie de Klaus Barbie au service du CIC (contre espionnage américain), exil et homme de l'ombre en Bolivie), que dans son rythme, son intensité et sa conclusion. Réussissant son pari, MacDonald insuffle une certaine tension par l’incroyable scénario proposé, mais aussi par l’accusation qu’il profère (celle contre les gouvernements d’apprentis sorciers qui dérèglent la stabilité des peuples). Plus fort que n’importe quelle fiction, ce documentaire remarquablement bien maîtrisé dans le flux des informations délivrées pose les bases d’un regard critique qui entremêle l’Histoire et la Contemporanéité. Hier répond à aujourd’hui et aujourd’hui semble devenir l’écho d’un demain programmé.
Mon meilleur Ennemi représente l’histoire dans toute son horreur et Klaus Barbie la figure de proue. Il reflète ainsi une volonté de puissance exportable, utilisable, transposable. Il impose également une constance : celle de la politique américaine (soutien à Saddam Hussein et aux Talibans par exemple). L’exil d’un assassin, d’un bourreau condamné plusieurs fois par contumace, « protégé » par les services américains et fomenteur de coups d’états, entre mensonges et amoralité n’est que la triste vérité du monde en marche. En réalisant ce documentaire, e s'inettrrogeant sur la lumière et les ombres qui grandissent les monstres, Kevin MacDonald pose les bases d’un acte politique commencé il y a déjà huit ans (Un jour en septembre). Il démontre par la même l’émergence d’une conscience politique en lutte contre le fatalisme et la propagande historique. geoffroy
|
|
|