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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La légende de Beowulf (Beowulf)
USA / 2007
21.11.2007
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BEAST BEAST RAGE
Après le récent Pôle Express et ses lutins de Noël, Robert Zemeckis persiste en signant un deuxième film d’animation, certes bien différent dans son traitement, mais qui réutilise le procédé coûteux et hyperréaliste de la performance capture. Poussant bien plus loin la capture de mouvements afin de recréer une impression de fluidité et de volume encore jamais vue à l’écran, la Légende de Beowulf s’inspire directement du poème épique de la littérature anglo-saxonne composé entre la première moitié du VIIème siècle et la fin du premier millénaire.
En adaptant au cinéma cette épopée guerrière, Zemeckis s’attaque à un texte fondateur qui inspira aussi bien la littérature contemporaine d’héroic fantasy que le cinéma de genre dont les représentants les plus connus se nomment Conan le Barbare, le 13ème guerrier ou récemment Pathfinder. Histoire devenue universelle dans sa représentation mythologique,la Légende de Beowulf révèle par le biais d’une technique innovante et donc malléable les exploits du héros, guerrier Goth au courage légendaire. Sans doute trop linéaire dans sa narration, Zemeckis se devait de nous plonger au cœur d’un Danemark moyenâgeux et féerique remplit de créatures étranges ou le merveilleux côtoie l’historique. Mieux, il aurait fallu mettre en avant cette conjonction fondamentale en marquant la légende, en sublimant la confrontation du naturel au surnaturel, entremêlant l’héroïsme, le courage, la fraternité et la gloire au pouvoir et à l’appât du gain.
Patchwork folklorique qui n’assume pas des choix artistiques éclatés entre le désir d’un cinéaste de coller au plus près du poème et les contraintes financières d’un grand studio, Beowulf est une œuvre d’inspiration qui se meurt par étouffement. Comme Grendel attaquant la salle des ripailles du roi Hrothgar à coups d’écartèlement et de dévoration, le film assène une fureur de surface. Pourtant maîtrisée dans ses mises en action, malgré notre réserve concernant l’affrontement avec le dragon, elle ne magnifie que très faiblement la nature même du héros à l’exception d’une courte scène. Raconté par Beowulf lui-même à la cour du roi, ce fait d’armes relate l’affrontement du héros contre des monstres marins à la voracité démoniaque. Cette unique scène rend ainsi hommage à la portée symbolique de la fable et place Beowulf comme un guerrier de chair et de sang doté d’une force impressionnante qui est précédé par sa propre légende. Le cœur du film était sans doute là, dans un mélange habile entre la restitution des faits d’armes (combat contre Grendel, contre la mère de celui-ci et contre un dragon) et l’accomplissement d’un héros devenu une légende vivante.
Incapable de sublimer les vers d’un poème chantant cette gloire naissante, Beowulf enchaîne avec maladresse les scènes de bravoure pour ne construire qu’un énième divertissement. Illuminé par la prouesse d’une technique s’affinant, le spectateur ne pénètre jamais vraiment dans ce décor ancestral d’une pauvreté géographique paradoxale. Entre la salle du festin et la grotte de Grendel, aucun territoire, aucun cheminement, aucune transition, seul un statisme rébarbatif qui ne joue même pas sur la tension d’une menace dévoreuse. Se concentrant sans doute sur le réalisme d’une 3D contraignante, Zemeckis a oublié le principe de mise en situation. Ni la magie, ni le bestiaire, ni le monde froid et blanc du Danemark – à l’exception d’un plan grandiose partant de la salle du festin pour s’enfoncer dans l’antre du monstre – n’arrivent à constituer un univers cohérent et homogène comme l’avait réussi Peter Jackson avec son Seigneur des Anneaux.
Dotée d’une continuité narrative actant l’importance des évènements en cours, Zemeckis rompt la construction symbolique du héros par une utilisation elliptique discutable. Devenu vieux, Beowulf ressemble au roi Hrothgar et n’est que l’ombre de lui-même. Si le réalisateur lui donne une humanité, il désacralise le héros. Un dernier combat (contre le dragon) lui permettra d’inscrire définitivement son nom dans la mémoire de chacun. Intéressante dans sa construction, cette dernière partie est bâclée et ne fait que reproduire en moins bien le combat contre Grendel. A ce stade, nous sommes en droit de nous demander si l’utilisation de la 3D comme support d’adaptation était vraiment le meilleur choix. Les efforts sont louables
(l’impression de réalisme est parfois bluffant) mais la platitude qui s’en dégage, du choix graphique en passant par l’ambiance et l’incapacité à nous plonger réellement dans un monde historico féerique, confirme notre assertion. Si l’évolution est notable vis-à-vis du Pôle Express, le changement de paradigme que sous-tend inévitablement cette technique tarde à venir. Loin des prouesses « plastiques » d’une animation en 3D dite classique, la rigueur « reproductive » des gestes humains dans leur conditionnement reste une étape transitoire qui plombe le film de toute liberté artistique véritable.
Sans être complètement raté, Beowulf risque de s’inscrire dans la longue liste des adaptations sérieuses sans âmes, ni personnalités. geoofroy
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