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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Gone Baby Gone
USA / 2007
26/12/2007
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DISPARU ET COUPABLE
“Enfant, j’ai demandé à un prêtre comment aller au paradis tout en se protégeant du mal. Il m’a répondu que Dieu avait dit que nous sommes comme des brebis au milieu des loups et qu’il nous faut avoir la prudence du serpent et l’innocence d’une colombe».
Premier long métrage de l’acteur star Ben Affleck, Gone Baby Gone est une adaptation sobre mais bancale du roman
éponyme de Dennis Lehane, écrivain célèbre
outre-Atlantique qui inspira à Clint Eastwood son noir et sang Mystic River. En scénarisant la disparition d’une petite-fille habitant la banlieue ouvrière de sa ville natale, Boston, Ben Affleck ne pouvait se contenter de mettre en place une enquête, fusse-t-elle élaborée, et utilise alors le cadre cinématographique pour tisser une narration en dehors des codes télévisuels actuels afin de sombrer corps et âme dans une sociologie crue mais crédible.
Ce parti pris de mise en scène reste malheureusement le seul engagement viable d’un apprenti cinéaste englué dans sa volonté de bien faire (sa réalisation et sa direction d’acteurs restent maîtrisées) et l’approximation étonnante d’un scénario dès sa deuxième partie. Les efforts louables du début – ambiance, dialogues ciselés, immersion urbaine, rapports humains – sont définitivement rangés au placard par les trop nombreux twists qui alourdissent conséquemment le métrage. La trame perd de sa densité et le film bascule inexorablement dans le mauvais polar moralisateur. Si les interrogations psychologiques restent palpables (mêmes si grossières vers la fin du métrage) et soutiennent correctement l’errance d’une trame à tiroirs, elles deviennent forcément caduques dès que nous nous remémorons un tant soit peu l’enchevêtrement des évènements.
L’enquête qui favorise la perspective sociale par intrusion de thématiques fortes comme l’addiction (drogue, alcool, sexe), l’étude d’un milieu pauvre gangrené par la violence du chacun pour soi et la place de la morale au sens philosophique du terme, se retrouve noyée dans un brouillis scénaristique qui « dégomme » chaque thématique en les diluants dans des généralités. En effet, où est cette mécanique opératoire censée diviser les gestes que l’on fait par Devoir de ceux que l’on distille par Amour, distinguant ainsi la morale de l’éthique ? Ce qu’avait si bien réussi Clint Eastwood dans Mystic River, jouant sur cette métaphysique du juste et du bien en tant que concept ou pratique « politique », est absent du film de Ben Affleck. L’esquisse ne suffit plus et la valeur symbolique d’un enlèvement comme point de départ non plus. Les réflexions sur une communauté, sur l’abnégation d’un enquêteur à la morale inflexible, sur les dilemmes des flics et sur une société confrontée aux valeurs juxtaposant liberté, sens du devoir, vertu, responsabilité, jugement…auraient dû prendre le pas vis-à-vis d’un traitement scénaristique beaucoup trop formel.
Pour ce faire, l’utilisation d’un couple de détectives prenant le relais des policiers était à coup sûr une très bonne idée. Enfants de Boston, ils devancent le spectateur et nous guident dans cette jungle triste faite de paroles et de situations « pittoresques ». Malgré quelques scènes réussies, nous perdons bien vite cette banlieue qui se cherche, qui s’inquiète, qui façonne de l’exclusion, du meurtre, de la désérance et qui, fébrilement, demande juste du bonheur et de l’espoir. Campé par un Casey Affleck absolument impeccable (révélation de l’année, haut la main), Gone Baby Gone se « plante » mais ne devient pas pour autant un film raté. Il passe juste à côté de son formidable sujet.
D’un long métrage voulant aborder une thématique établissant un champ de réflexion différencié (du flic justifiant ses abus à la mère incapable de comprendre la responsabilité qu’impose d’élever un enfant), nous passons au simple polar de série TV qui se doit de respecter les rebondissements à l’emporte pièce comme pour mieux s’assurer d’un bonne audience et annihiler ainsi le cadre introductif qui laissait entrevoir un grand film psychologique abordant un drame humain. Peine perdue ! Geoffroy
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