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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Dante 01
France / 2007
02.01.2008
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ODYSSEE SPACE
"Ce que les contes nous apprennent, ce n'est pas que les dragons existent, c'est qu'ils peuvent être vaincus."
On n'est guère étonné de retrouver Marc Caro (le complice de Jean-Pierre Jeunet sur Delicatessen et La cité des enfants perdus) aux manettes d'un film d'anticipation sombre et mystérieux à l'univers parfaitement cohérent. Dès le prologue (l'arrivée sur un vaisseau-prison de deux corps aux allures de fœtus), on retrouve l'esthétique et le style qui ont fait sa réputation : univers confiné très codifié, teintes et sons métalliques et froids, atmosphère troublante, ainsi qu'une illustration de la modernité telle qu'on l'imaginait au 19e siècle, c'est-à-dire extrêmement mécanique, finalement (à nos yeux) presque vieillote. Rien à voir avec la blancheur immaculée des installations ultra-modernes qu'ont inventé les 20e et 21e siècles. Tout est sombre et désolé sur Dante 01, et les êtres qui y vivent ressemblent plus à des fantômes qu'à des êtres humains. Pourtant, malgré les souffrances et l'horreur, ces moins que rien condamnés à vie à servir de cobayes humains aux plus effroyables expériences gardent une petite lueur d'espoir. Espoir d'un avenir meilleur, espoir d'une rédemption, espoir qu'il reste, chez eux comme chez leurs geoliers, une petite parcelle d'Humanité.
L'histoire, au fond, sert de prétexte à un enchevêtrement original de mythes, de contes et de légendes toutes baignées des mêmes figures archétypales. La référence la plus transparente est bien sûr le nom de la planète brûlante autour de laquelle gravite le vaisseau carcéral (et auquel elle donne son nom) : Dante, comme l'auteur de la Divine Comédie. Tout le film revisite ainsi ce récit initiatique qui conduit le narrateur de l'Enfer au paradis, en passant par la Montagne du Purgatoire. Le voyageur, ici, est symbolisé par le nouveau venu, surnommé Saint-Georges (en référence cette fois au Saint pourfendeur du dragon). Comme son illustre prédécesseur, il rencontre des personnalités (César, Attila, Bouddha… surnoms de ses codétenus, mais aussi Charon, le passeur des Enfers, Lazare, le mort ressuscité et Perséphone, la Reine des Défunts), franchit plusieurs cercles de l'Enfer et finit par trouver le salut dans un ultime sacrifice qui lui permet de sauver l'Humanité entière. On est bien alors dans un symbole parfaitement christique puisqu'au moment de sa "passion", Saint-Georges se retrouve dans l'attitude du crucifié sur la Croix.
En plus de ce synchrétisme religieux et philosophique, Marc Caro mêle les dangers des nouvelles technologies et la transformation des hommes en "cyborgs" beaucoup moins dangereux, mais aussi beaucoup moins humains. Il imagine ainsi une civilisation tellement avancée qu'elle ne supporte plus la moindre imperfection, quitte à s'auto-saborder, et réinvente une genèse où les premiers hommes auraient été les pires réprouvés de l'univers. A travers ces paraboles plus ou moins fumeuses, ce que le film interroge, c'est rien de moins que le concept d'humanité. Quelle est la place de l'Homme dans notre société technologique ? Jusqu'à quel point peut-on modifier l'être humain ? Comment préserver notre humanité dans un monde toujours plus avide de progrès ?
Si l'on voit bien où Marc Caro veut en venir (notamment la portée très universelle de son message), il est toutefois assez difficile d'adhérer à la manière dont il le met en scène. Entre la caméra qui est prise de tremblements incessants, les bruits métalliques assourdissants, les images dédoublées, les nombreuses vues de corps en coupe, sans oublier les scènes répétitives de guérison hallucinées et la voix off parfaitement artificielle, le réalisateur perd visiblement son objectif de vue. Diluée dans cette grandiloquence visuelle, l'intrigue semble ne jamais vouloir se mettre en place. On a l'impression d'assister durant presque tout le film à des scènes d'exposition qui, au final, ne débouchent jamais sur rien. Même les nombreuses références qui le parsèment sont juxtaposées superficiellement sans avoir le temps de faire sens. Dénuée de la moindre profondeur, la réflexion philosophique au cœur de l'intrigue sonne alors terriblement faux. Lorsqu'arrive la scène finale, interminable et radicale, censée offrir une nouvelle portée à l'ensemble, on est juste déçu par l'impuissance de Marc Caro à réaliser le film que, très probablement, il avait en tête.
MpM
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