Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'île (Ostrov)


Russie / 2007

09.01.2008
 



SAINT SUPPLICE





“- Si j’ai ce bébé, personne ne voudra de moi.
- Personne ne voudra de toi de toute façon. ”


A l’opposé des cadres idylliques de cartes postales, cette île coupée du monde frappe par sa noirceur. Noirceur du sol, de la mer, de la chaudière… Jusqu’au visage du protagoniste, sali par le charbon sur lequel il dort. Décor abrupt qui jure avec l’or tape-à-l’oeil des icônes religieuses sophistiquées, musique minimaliste lancinante, parfois agaçante, la caméra de Lounguine se consacre toute entière à cette austérité contemplative. Celle-ci est transcendée par un classicisme formel virtuose qui ne se réduirait qu’à un vain exercice de style si, d’une part, il n’était allégé par des touches d’humour salvatrices, et si, d’autre part, il ne soutenait un réel propos, ou plutôt un personnage aussi haut en couleur que l’image est sombre. L’île est en effet entièrement centré sur le père Anatoli, moine orthodoxe torturé par le souvenir d’une lourde erreur de jeunesse. Excentrique, illuminé, sorte de saint sauvage aux allures de démon qui "ne chante pas mais braille", prédicateur, un peu sorcier, cet ascète qui ne suit en rien les chemins conventionnels dictés par les dogmes de l’Eglise s’avilit matériellement pour mieux s’élever spirituellement. Sa vie n’est stimulée que par ce seul leitmotiv : l’expiation de sa faute. Le réalisateur russe lui oppose deux autres figures illustratives de l’Eglise : un moine infantile et superficiel très attaché à son confort et un arriviste qui aspire à l’élévation hiérarchique. C’est bien évidemment pour Lounguine – lui-même très croyant – une façon de donner des leçons de foi et de morale, Anatoli passant du statut de paria à celui de modèle. Il incarne l’anti-individualiste, la victoire du sacrifice sur l’égoïsme. Pourtant, au-delà de son appartenance religieuse, le film aborde des problématiques humaines qui dépassent très largement le conflit d’opinions et de croyances. Car il parle du poids destructeur de la culpabilité. Dans ce domaine, tout est alors question de vocabulaire. Dans la bouche d’un athée, “péché” se transformerait en “crime”, pourtant le propos serait identique et la démonstration aboutirait à la même conclusion : la paix intérieure ne s’obtient pas par le pardon du ciel ou de l’autre, mais par le pardon de soi-même.
 
Karine

 
 
 
 

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