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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Détention secrète (Rendition)
USA / 2007
09.01.2008
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SILENCE, ON TORTURE
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- Vous êtes nouveau dans ce domaine, hein ?
- C'est ma première torture, oui.
- Les Etats-Unis d'Amérique ne pratiquent pas la torture.
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S'il y a bien quelque chose à envier au cinéma américain, c'est sa propension à porter quasiment en temps réel un regard critique sur les pratiques les plus sombres de son Histoire. Ces derniers temps, la politique "anti-terroriste" du gouvernement Bush en prend ainsi pour son grade, qu'elle soit dénoncée frontalement (Dans la vallée d'Elah) ou de manière plus détournée (Le Royaume). Dire du mal de la guerre en Irak étant en passe de devenir banal, le scénariste Kelley Sane a décidé de s'attaquer à un morceau passablement plus gros, la négation par le gouvernement de ses propres lois (détention arbitraire, torture, extradition illégale…), en violation éhontée de la Constitution, des Droits de l'Homme et du respect des libertés individuelles. Pour ce faire, il s'est adjoint les services de Gavin Hood, le réalisateur efficace quoi qu'apprêté de Mon nom est Tsotsi, qui livre ici une mise en scène plutôt admirable. On le sent à plusieurs reprises sur le point de céder à la tentation du sensationnalisme, voire de la sensiblerie (notamment par l'utilisation d'un thème musical un peu larmoyant qui souligne inutilement les moments forts), mais il tient bon, et réalise au final un film d'une facture tout à fait convaincante. Malgré un aspect très morcellé (on suit le destin de six personnages différents), il ne s'écarte en effet jamais de son fil directeur, les causes et les conséquences d'une arrestation arbitraire qui se transforme en cauchemar.
Mélange de thriller palpitant (grâce à une utilisation plutôt maligne du montage parallèle très "cut" des séquences), de réflexion philosophico-politique et de dénonciation sincère, Détention secrète a d'ailleurs créé la polémique aux Etats-Unis, sans doute parce qu'il présente la réalité frontalement, sous un jour qui n'est ni flatteur ni allégorique. Les séquences de torture sont ainsi à la limite du soutenable, entre complaisance sadique et volonté affirmée de choquer, tandis que les justifications des hommes politiques ou des membres de la CIA qui cautionnent ces pratiques sont extrêmement cyniques. A chaque spectateur de se faire sa propre idée, mais le film ne laisse pas vraiment de place au doute. Très intelligemment, il démonte le mécanisme qui a conduit à l'attentat fondateur et en montre les causes, en l'occurrence une surenchère dans la violence où forces de l'ordre comme groupes extrêmistes ont leur part de responsabilité. Cette démonstration magistrale, en contrepoint de la dénonciation de la torture et du phénomène de "rendition", élève le film au-dessus de la simple anecdote bien pensante pour lui offrir une portée plus universelle.
Il y est notamment question de l'effroyable solitude ressentie par les différents personnages, tous confrontés à un isolement affectif. Anwar parce qu'il est au cachot, torturé sans espoir de secours, Douglas parce qu'il doit surmonter seul son implication dans de telles pratiques, Isabella parce que personne n'est prêt à se mouiller pour aider son mari suspecté de terrorisme, un mal pire que la peste. Devenus le jouet d'éléments qui les dépassent, les protagonistes sont brusquement mis à part de la communauté des Hommes. Ils deviennent des parias à qui l'on nie toute humanité. Ainsi, Anwar est littéralement traité comme un paquet, balloté ça et là sans avoir son mot à dire, puis torturé et humilié. Dans le même temps, on exige de Douglas qu'il se comporte comme une machine dépourvue de sentiments. Ce que montre le film, c'est que se croire autorisé à détourner les lois (aussi bien pénales que morales) a des conséquences et des répercussions qui dépassent de très loin ceux qui commettent la transgression. Peu importent, ensuite, les justifications que l'on peut en donner, le prix à payer reste le même. Reste à chacun à déterminer s'il est trop élevé ou pas. MpM
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