Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les Yeux Bandés (Les yeux Bandés)


France / 2008

09.01.2008
 



A L'HEURE DU CHOIX





Entre les vociférations d’un Guillaume Depardieu perdu dans un rôle statique et visiblement trop pauvre pour son immense talent (revoir Pola X), les doutes à peine crédibles d’un Jonathan Zaccaï amorphe pour ne pas dire endormi et la pesanteur d’une histoire qui tarde à prendre corps dans ses choix narratifs, le premier long métrage de Thomas Lilti n’absorbe ni notre attention, ni notre rétine avide de curiosité et de challenge. Pire, cet essai malhabile car emprunté dans son développement psychologique fluctuant constamment, fini par enfiler des généralités qui déstructurent l’origine même du récit. Nous avons alors l’impression d’assister à une impasse ; celle d’un cinéaste incapable de dépasser le cadre de la simple note d’intention.

Sans être un ratage formel – certaines scènes demeurent crédibles et convenablement retranscrites – Les Yeux Bandés nous plonge bien maladroitement dans l’intime du personnage principal sans réussir à nous (r)ouvrir ses fractures et nous dévoiler ses démons. Ce qui restait le point fort d’une intrigue se focalisant plus sur les choix et les doutes de ce chauffeur routier rangé bien décidé à sauver son frère d’adoption, est sacrifié sur l’autel d’un académisme anti-transgressif qui aligne des jeux de postures maladroits compris entre d’inutiles flash-back et de laborieuses métaphores. La tension est ainsi parasitée par d’improbables remises en question jamais vraiment justifiées, ni légitimées. Confondant ce qui doit être dit de ce qui doit être uniquement montré, le réalisateur mélange jeux intérieurs et ressentis physiques. Cette approximation d’écriture plombe un film qui se revendique des polars noirs hollywoodiens classiques mais qui sont, eux, dotés d’une force brutale bien plus expressive.

Illustration sans relief Tourné en HD par un jeune réalisateur de 31 ans, ce film d’apprentissage ressemble bien malgré lui à un pseudo film d’auteur qui, par prétention d’écriture, refuse de se livrer corps et âme dans un chant noir et mordoré contant deux destins se retrouvant pour le pire. Cette fébrilité, mise sur le compte de la jeunesse, nous prive d’un film qui aurait concentré son drame autour de Théo et Martin, deux pièces maîtresses ici bien trop transparentes et insipides. L’enjeu se perd alors dans un retour aux sources assez primaire (voir la relation de Théo avec Alice) qui n’apporte rien à l’intrigue et laisse un goût d’inachevé. L’interaction de Théo avec un passé douloureux mais pourtant fondamental dans sa relation avec son frère d‘accusé, avec la géographie d’une ville du nord de la France et la douleur sourde tout comme vindicative des quelques familles victimes des agissements supposés de Martin, n’est pas libérée dans la froideur d’une stupeur (lorsque Théo apprend de quoi est accusé Martin), dans le constat d’une vérité et dans l’absurde réalité qui assaille inexorablement Théo. Comme nimbée d’une torpeur roublarde, les Yeux Bandés n’arrive pas à démarrer et reste bloqué dans l’illustration des failles de Théo et des faiblesses coupables de Martin. Il aurait fallu dynamiser le rôle de Théo revenant autant pour son frère que pour lui-même en spécifiant beaucoup plus l’exclusive d’une relation d’enfance capable de franchir les frontières de l’insupportable. Rien n’y fait. Nous voguons dans un marasme social convenu qui enferme Théo entre fatalisme et coup de colère. L’étude psychologique que l’on était en droit d’attendre est noyée par la réalisation trop fade et en retrait du cinéaste.

Admirateur de Chabrol, le réalisateur oublie la force d’une mise en scène qui ose déstructurer les âmes afin de faire ressortir dans un jeu d’imbrication complexe la part d’humanité et d’inhumanité qui nous traverse tous.
 
Geoffroy

 
 
 
 

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