Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Reviens-moi (Atonement)


Royaume Uni / 2007

09.01.2008
 



ENGRENAGES , RESSORTS ET CARACTERES





«- T’as de beaux yeux tu sais.»

Préambule.
Cela commence avec une machine à écrire. Le bruit des touches, une tonalité saccadée, un son qui scande comme un marteau piqueur pilonne le plus dur des matériaux. Téchiné avait déjà utilisé le procédé il y a quelques mois dans Les Témoins. Un film qui raconte une histoire pour se souvenir, pour se faire pardonner, pour expier. Etrange lien que le cinéma entre deux œuvres a priori complètement antagonistes.

La machine à écrire est un personnage à part entière dans Reviens-moi. Il est celui qui renvoie à l’adaptation littéraire d’Expiation, œuvre majeure d’Ian McEwan. Il s’agit aussi de ce qui dicte le rythme trépident du film, tout juste mis en suspens par l’intermède de la seconde guerre mondiale. La machine à écrire reprend ses droits jusqu’à la fin du film : un instrument qui forge un imaginaire plus fort que le passé, un outil qui corrige la vérité tourmentée pour la muer en fiction apaisante. Chaque mot, chaque lettre maquille puis efface ce qui a existé. Ce qui existe est désormais ce qui est imprimé. Cette machine est la clef.

Point d’orgue.
Du coup, dans le registre mélodramatique, cet Atonement (titre anglais) détone puisqu’on peut le revoir une seconde fois, avec une autre lecture. En quatre chapitres inégaux en durée mais d’intensité équivalente, Joe Wright parvient à installer un mystère qui ne se résout que dans les dernières minutes ; l’épilogue donne une toute autre couleur au point de vue moral de l’œuvre. La tension monte crescendo jusqu’à une révélation empreinte de souffrances. La culpabilité, le remord de Briony, la sœur cadette qui grandit sous nos yeux, se mélange à son impuissance, son désarroi de ne pas pouvoir changer le cours des choses. Cette expiation christique prend ses racines dans une accusation injuste dont elle est responsable et dans son incapacité à réparer sa faute.
Incapable de s’arranger avec le passé pour améliorer un futur fatalement contrarié, cette femme digne d’un film de Lars Von Trier devient le cœur du film. Celle qui passe à côté de la vie mais a su la décrire et la composer. Personnage principal - bien plus que les deux amoureux aux destins si captivants – la sœur cadette, avec ses doigts sur la machine mais aussi avec sa nervosité et sa présence, donne le tempo vif du film. Cette Alice au pays des pervers condamne un jeune et innocent jeune homme par jalousie. Faux coupable et vrai mensonge. Pour elle, deux jeunes comédiennes épatantes incarnent la cadette à différents âges, il s’agit de supporter ce poids sur la conscience durant toute une vie. Pour lui, James McAvoy toujours formidable en sensibilité, il faut reconstruire une vie ravagée par le soupçon, la sanction. Il traverse les enfers pour revenir vers sa belle héroïne glacée, la volcanique Knightley, entre Grace Kelly et Kristin Scott Thomas.

Machine à remonter le temps.
Le trio a le regard dur, les gestes furtifs, contrastant ainsi avec l’emphase romantique et la fluidité des plans. Comme dans The Hours, l’objet est primordial, fétichiste. Le jeu devient dangereux, sérieux. Cela donne une atmosphère particulière, ni discordante ni dissonante, plutôt jouant des bémols et des dièses. Ce qui est laid peut paraître beau par maniérisme. Ce qui est inutile ou fantastique s’enrobe de kitsch ou de clichés. Ce qui reste sincère et essentiel est posé, étudié, harmonieux, précis. Le cinéaste refuse de faire du mélo un genre sirupeux ou désuet. Esthétiquement soigné, l’élégance presque irréelle des mouvements et des gestes comme des costumes et de la lumière, inscrivent bien le film dans la catégorie des romances épiques. De très jolies astuces de montage en font une œuvre purement stylisée. Comme si l’image si lisse, si glacée permettait d’aborder plus facilement une narration un peu plus complexe, une histoire profondément tragique, cruelle. Même les horreurs de la guerre se régalent dans le pictural. Une fascination du beau qui cache la monstruosité et qui prend toute son ampleur cinétique dans un plan séquence époustouflant où les plages du nord de la France ont des allures de fin du monde, dévasté Comme si l’aspect superficiel servait à nous détourner de la vérité, plus âpre...

Car tout cela semble bien anodin : une petite erreur, un gros malentendu, un mot cru, « le pire qu’on puisse imaginer », un mensonge de gamine, et voilà de quoi plomber trois vies à vie. Film de mésaventures, il ne faut jamais se fier aux apparences, pas même à cette musique légère et aérienne aux tonalités entêtantes et orageuses. Les allers et retours dans le temps égrainent les révélations. L’épilogue est un chapitre en soi puisqu’il explique tout en guise d’interview confession.
L’immense Vanessa Redgrave balance la vraie version des choses et exploite tout son talent pour exister en quelques plans. Le subterfuge est dénoncé.

La fiction, littéraire comme cinématographique, est érigée en drogue dure pour supporter l’insupportable. Une manière de donner du bonheur. Le « faux » aiguise et stimule l’inconscient et les fantasmes, relativisent le réel. Joe Wright en fait, logiquement, une œuvre irréelle. On comprend mieux pourquoi. Ce Reviens-moi, cri du cœur, est en fait le triste constat qu’il est impossible de revenir... en arrière.
 
v.

 
 
 
 

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