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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La guerre selon Charlie Wilson (Charlie Wilson's War)
USA / 2007
16.01.2008
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LORD OF PEACE
"- Vous n'êtes pas James Bond.
- Vous n'êtes pas Thomas Jefferson.
- Un par tout."
Il y a le vernis : le casting glamour, irrésistible, le ton de la dérision, permanent, la mise en scène élégante, efficace. Il y a bien cette longue séquence triomphale sur fond de musique cantique... Grattons le vernis et la subversion, la satire, la critique surgissent. La guerre selon Charlie est un film décapant et l'un des plus brillants sur les origines des liens explosifs entre l'Amérique et le Moyen Orient. Sans aucun sentimentalisme ou sensationnalisme, refusant le didactisme d'un Redford ou le divertissement de la plupart des productions guerrières et politiques, le film se rapprocherait davantage d'un M*A*S*H*. Car Mike Nichols ne lésine sur aucun moyen pour perturber l'approche binaire d'un sujet aussi complexe. En apparence, les valeurs semblent conservatrices, l'ère est Reaganienne, les discours et les honneurs misent sur le patriotisme et l'anticommunisme primaire. En profondeur, le député aime la coke et les pépés à poil, le Texan est modéré, les actes et les moyens n'ont pas de religion et la puissance américaine n'a pas de limite... côté planches à billets. Un exposé impeccable à partir d'une histoire vraie pour comprendre la fin de la guerre froide, le début des Guerres du golfe et a posteriori du terrorisme. Intelligent, vif, impeccablement scénarisé, il s'agit d'une charge légère mais touchant sa cible à chaque fois. Nichols accuse la superficialité : on détourne les citoyens des vrais enjeux. Un député accusé par les médias et la justice de moeurs légères voit mettre en péril ses bonnes intentions pour libérer un pays comme l'Afghanistan. Le citoyen va s'attacher aux cyniques bien rangés, bien épinglés plutôt que de juger les actes de ses élus.
Sur la forme Nichols n'a rien perdu de son ton politiquement incorrect. Coquin (il aime les culs qui roulent) et défiant la censure hollywoodienne, il se régale à offenser l'hypocrisie américaine. "C'est rare les mecs qui sont fêtards et s'intéressent au monde." Parfaitement incarné par un Tom Hanks en grande forme, le député sait manier comme personne le système. Charlie et ses drôles de dames (ses barbie assistantes). Dans sa grande mission de sauver Kaboul du joug soviétique, il est aidé par deux personnes, ce qui forme un triptyque idéal pour la construction dramatique du script. Julia Roberts, toujours aussi sexy en bikini, est parfaite en milliardaire de la droite dure, "marxophobe", très croyante et très... libidineuse. Philip Seymour Hoffman, caméléon de la décennie, interprète un agent de la CIA d'origine grecque, entre coups de sang et ironie cinglante. C'est le royaume des compromissions. Sexe, alcool, coke et dollars à la maison blanche. Et personne n'est épargné. Même cette religion censée unir par amour les contribuables américains est un enjeu conflictuel entre les nations. Parenthèse, le film est un plaidoyer pour la laïcité dans la vie publique...
Tout le monde à ses travers. Les individus comme Charlie Wilson véritable clown sur le terrain., loin des couloirs du Capitole de Washington ou de son bled au Texas. Les institutions comme la CIA, déjà jugée incapable et incompétente. Le diagnostic est sévère. Et Nichols n'hésite pas à utiliser des images d'archives et une reconstitution du camp de Peshawar (atroce). Surtout, il réussit l'exploit d'équilibrer ce réalisme historique avec une chronique humaine passionnante et des séquences caustiques pour ne pas dire cocasses. La rencontre entre Hanks et Hoffman est un vaudeville où les portes claquent comme chez Feydeau, avec le héros un peu coincé entre ses priorités. Idem quand Roberts défile devant les Barbies et les traite de "traînées".
Mais évidemment ce sont les liaisons avec l'Afghanistan, le Pakistan, Israël, l'Egypte et l'Arabie Saoudite qui resteront à la fin de cette histoire, bien davantage que les liaisons sulfureuses entre les personnages. Car passer d'un budget de 5 à 500 millions de $ pour bouter les chars russes hors d'Afghanistan nécessite un minimum de diplomatie et un maximum de persuasion. Là encore Nichols ne s'arrête pas à la victoire du camp occidental. Le réalisateur conclue son pamphlet avec un aveu qui sonne comme l'une des causes les plus évidentes des guerres actuelles - Afghanistan, Irak, Pakistan, ... Car il ne s'agit pas de gagner, il faut reconstruire. 1 milliard de dollars, avec l'argent saoudien, pour chasser les Soviets. Rien pour bâtir des écoles. Comme le dit si prosaïquement ce héros méconnu, ce Général d'un nouveau genre de la Guerre froide : "Et après ça a merdé..." Voilà ce qu'on trouve quand on gratte le vernis. v.
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