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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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57 000 km entre nous
France / 2007
23.01.2008
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CONNECTED PEOPLE
"- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je réfléchis.
- Tu réfléchis, toi ? De temps en temps, pour la forme ?"
Internet a envahi nos vies, il était logique que le cinéma s’en empare lui aussi pour mettre à plat le bouleversement induit par ce nouveau média dans nos relations humaines complexes. Dépourvue de toute prétention doctrinaire ou sociologique, Delphine Kreuter ausculte la société post-web et en tire un premier film un peu maladroit mais plein d’énergie, qui s’interroge tour à tour sur l’illusion de lien social virtuel, la nécessité d’exposer son intimité en ligne et l’obsession de la communication. Le regard porté par la réalisatrice n’est ni accusateur ni alarmiste. Au contraire, elle évite plutôt bien les écueils habituels sur tous les "maux" dont serait responsable internet, et se contente d’utiliser ce nouveau vecteur de communication comme révélateur de nos travers.
C’est drôle et grinçant, lorsqu’il s’agit de Michel et Margot qui filment leur couple et leur famille pour partager le moindre de leurs instants avec les internautes, le regard viré sur les statistiques de visite. C’est plus profond quand on en vient à Nicolas, l’ex-mari de Margot, qui regarde chaque jour la vie de son ex-femme et de ses enfants s’étaler sur le web, ou à Adrien, enfermé dans une chambre stérile, et utilisant le web comme ultime lien avec l’extérieur et la vie "normale". Tous ces personnages ont beau être connectés, ils semblent tous plus seuls les uns que les autres, incapables de se toucher et de partager leurs sentiments. On le savait déjà, trop de communication tue la communication, ou tout au moins la vide de son sens. Ceux qui n’ont rien à dire (Margot et Michel) n’arrêtent pas de parler, tandis que les messages vrais et leur lot de douleurs restent désespérément enfouis dans les gorges. Inaudibles et imprononçables.
Mais ce que Delphine Kreuter pointe du doigt, ce ne sont pas tant les relations à l’heure des nouvelles technologies que les rapports humains en général. Internet n’a pas forcément le mauvais rôle, surtout au cours des moments qui réunissent Adrien et Nathalie dans un jeu virtuel idyllique où, en dépit de leurs souffrances intimes, ils éprouvent un bonheur qui lui n’est pas factice. Courir, se promener, se marier, mourir et même renaître : tout est soudainement possible, à portée de mains, offrant un formidable sentiment d’omnipotence et d’éternité. Les âmes chagrines ne manqueront pas de mettre en garde contre de telles sensations, mais quand on a quinze ans et que l’on va mourir, que demander de mieux ? Le lien qui se crée par le biais du réseau entre Nathalie et Adrien est ainsi éminemment plus sincère et authentique que celui qui se dénoue lentement entre l’adolescent et sa propre mère, trop terrifiée pour lui rendre visite. Plus profond qu’il n’en a l’air sous ses dehors de film foutraque, 57 000 km entre nous a le chic pour nous amener en douce au bord des larmes, sans que l’on ait rien vu venir, et nous laisser en plan avec une foule de questions tournant dans la tête. MpM
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