Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Juno


USA / 2007

06.02.2008
 



HAPPY FOETUS (*)





"- Je pensais que t'étais le genre à dire non.
- Je ne sais pas quel genre je suis.
"

Pour traiter de la grossesse d'une adolescente, nul besoin de verser dans le potache ou la pathos. Une écriture fine, de l'empathie spontanée pour les personnages et une réalisation inspirée et sans trop d'effets, font de Juno une pépite cinématographique sortie d'un sujet a priori vaseux. Une lycéenne qui tombe enceinte dans une Amérique chrétienne et culpabilisante... Et parce que "la normalité ce n'est pas notre truc" à nous non plus, Juno est le film qu'on adore immédiatement.
Avec Thank You For Smoking, Jason Raitman nous avait déjà régaler dans le domaine de la satire d'une société complètement hypocrite. Si le film n'était pas satisfaisant complètement, la faute en revenait essentiellement à une obligation de discours moraliste et un personnage trop isolé pour nous captiver jusqu'au bout. Juno (Thank you for fucking) échappe à tous les pièges : des seconds rôles solides, quelques histoires parallèles, un message plus humaniste que dogmatique. Et une comédienne, Ellen Page, exceptionnelle, soutenue par un casting brillant. Le film n'ennuie jamais et donne le sourire. Il faut bien faire passer la pilule amère : de jolies idées visuelles, un ton décalé, quelques détails insolites (les tic-tacs), un mélange de graphismes enfantins et de pudeur adulte, des dialogues crus et des non dits évocateurs. La dérision nous détourne de tout, sauf du véritable sens des choses, celles dont on se moque en apparence mais qui nous touche profondément. Juno a le mérite d'ouvrir les yeux sur ce que l'on veut ignorer comme la sexualité adolescente, l'adoption, l'avortement, ...
Entre Larry Clark pour la précision documentariste de cette génération et Wes Anderson pour la forme acidulée, entre légèreté et mélancolie. La musique, les vannes, les détails épicent l'histoire. Parfois c'est cru. Juno, la jeune fille de 16 ans avec le polichinelle dans le tiroir dès le dépucelage, avoue sans retenue en regardant des garçons courir en short, elle confesse : "l'artillerie qui ballote dans les shorts, je ne vois que des bites!" Des paquets qui sous "des slips, tuent les spermatozoïdes."
Car la gamine, si elle joue aux adultes, a conscience qu'elle "gère des problèmes qui dépassent sa maturité." Entre régression et aspiration, le portrait psychologique de cette jeunesse est particulièrement bien vu. Loin de ces sitcoms a priori ciblées sorties d'école, où les rires sont figés dans la bande. Ici le spectateur sourit spontanément dès que les bavardages fusent. Mais la chronique de cette jeune fille enceinte est surtout une balade folk où le rythme varie selon le tempérament du personnage principal. Ca vire du frénétique quand les ongles deviennent une obsession mentale au dramatique lorsqu'un couple se sépare. Reitman passe ainsi de découpage presque clip au champ - contre champ entre deux comédiens.

Un feu d'artifice sobre et épatant
Mais avant tout Juno est un roman initiatique, un apprentissage de la vie pour une fille entre deux âges. Le film lui donne lumière et intensité grâce à un père et une belle mère lucides. Ils l'avouent : ils auraient presque préféré qu'elle leur confesse une conduite en état d'ivresse, un renvoi d'école, ... Leur bon sens, leur ouverture d'esprit, leur "bordel" et leur petites névroses les rendent immédiatement attachants; mais surtout le scénario leur donne aussi la chance de montrer d'autres facettes de leur tempérament entre l'annonce choc de la grossesse et l'accouchement. De même, le couple bobo, plus fragile, se réfugiant derrière une perfection impossible, vivant sous un couvercle presque morbide où leur amour est enseveli sous le désir d'un enfant et un niveau de vie disproportionné, va changer et révéler chacune de leurs failles. Jusqu'à comprendre en quoi parfois le rêve de l'un n'est pas celui d'un autre. La différence entre ces deux Amérique se comble lorsque le bébé passe d'une mère à l'autre sous le regard empli de regrets mais bienveillants de la belle mère. Seule la mère du géniteur ne trouve aucune grâce à personne : "la mère de Bleeker a peut être été jolie, mais aujourd'hui elle ressemble à un hobbit."
Juno est aussi un combat contre les préjugés, les expressions toutes faîtes et irréfléchies, les idées préconçues. Lorsque la jeune fille discute de films d'horreur avec le futur père adoptif, il lui démontre qu'il y autre chose que Dario Argento. Eloge de la curiosité (y compris pour le premier rapport sexuel), la comédie dramatique est aussi une virulente critique contre une certaine manière de vivre, proche du consumérisme mais appliqué à des choix bien plus essentiels. Cette fameuse société "zapping" et "virtuelle" ("Vous auriez du aller en Chine, ils distribuent des bébés gratos comme des I-Pods").
Comme le dit Juno, "ça a commencé avec un fauteuil...", celui du cinéma. Pour deux heures de plaisir.

Pour info : Juno et pas Juneau. la blague dans le film n'est compréhensible que si l'on sait que la capitale de l'Alaska s'appelle Juneau. Et pas Juno. Qui en Américain est le nom de Junon (Héra en grec), la femme (jalouse, possessive et unique) de Jupiter (Zeus).
 
vincy (* titre de LJ)

 
 
 
 

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