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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les cerfs-volants de Kaboul (The Kite Runner)
USA / 2007
13.02.2008
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BATAILLES DANS LE CIEL
"- Tu sais que les bureaucrates vont prendre la moitié de cet argent.
- Seulement la moitié? Ls ramollissent. "
A partir d'un best-seller aussi riche, l'adaptation cinématographique aurait pu être une gageure. De Kaboul en 1978 à San Francisco en 2000, en passant pas le Pakistan et
l'Afghanistan contemporains, le film cherche à aborder trop de sujets pour être complètement convaincant. Marc Forster ne parvient pas à lier les ingrédients pour nous transporter vers l'émotion exigée de ce genre de films. Cependant, le scénario nous porte et réussit à produire un récit touchant, en forçant parfois un peu le trait sur ses thèmes (la culpabilité, les racines, la réparation). Car, si le traitement du film est assez académique, l'efficacité des plans, l'interprétaion (mention au père joué par Homayoun Ershadi) et le sujet même du film en font une histoire plaisante et jamais ennuyeuse. Le cinéaste peut alors remercier un roman captivant, une musique magnifique (Alberto Iglésias), de bons interprètes. Un "world mix" parfait pour de l'art et essai "démocratisé", où le spectateur occidental rachètera un peu de conscience avec ces Talibans qui interdisent les cerfs-volants.
Pourtant, derrière ces apparences, Les cerfs-volants de Kaboul évoque le poids des traditions, l'exil, la lâcheté humaine, le poids de la responsabilité, les Talibans et
l'intégrisme, la lapidation. Le film de Marc Forster a ce défaut de ne pas faire le pont entre une partie presque romanesque et une partie assez prenante plus proche du doc-fiction sur le régime afghan. Ce chapitre, plus âpre, ne contourne aucun des obstacles reflétant la violence du pays. Ce qui contraste avec l'époque révolue, celle du jeu d'enfant des cerfs-volants, cette innocence fascinée par la liberté. Même le viol d'un gamin, métaphore d'une souffrance refoulée, acte irréversible, entâchant à jamais les existences des protagonistes, n'arrive pas à bouleverser. Trop superficiel? Trop de compromis à Hollywood (cette agaçante répétition du sens de la vérité comme message rabaché)? Mensonges, péchés, ... le livre comme le film ont le mérite de ne pas être trop moraliste. Le regard porté sur un peuple, un pays est surtout compassionnel. On reste avec ce sentiment d'être toujours en pays étranger, comme l'écrivain déraciné. Peut-être aussi parce que ce morceau de Chine tadjiks ne peut pas être Kaboul et ses environs. Peut-être surtout parce que le rapport dominant / dominé qui soutient toute la trame n'est pas assez subtil. Ou simplement parce que le découpage n'ose pas être plus cinématographique que littéraire.
Cette absence d'audace nuit un peu au film mais ne gâche pas le plaisir de vivre un récit nous extirpant de notre quotidien. Un matériau brut qui n'a pas échappé aux producteurs pour livrer un drame sensible, mais pas ressenti. Si "la douceur a disparu" entre l'invasion des tanks soviétiques et les implosion de sculptures par les intégristes, on restera un peu à l'écart de cette saveur évaporée. Sans doute n'a-t'on pas cru assez au passé, à cette nostalgie. Quand le sirop devient plus amer, quand le sang gicle, le film gagne en réalisme. Même les paysages et les villes semblent plus crédibles. Les végétaux ont disparu, comme la vie n'y est plus.
Pardon, pitié, paix... Peu importe les étapes du personnage principal, ses erreurs, l'auteur Hosseini insistait sur la fidélité, la rédemption, l'espoir (ce sont les divisions du film). Pourtant, Forster a préféré raconter la transmission entre les êtres, afin de contribuer à l'harmonisation de chacun, même au coeur d'un cauchemar. C'est un peu ce qui se tisse dans sa filmographie, le passage entre l'imaginaire et le réel, sa fascination pour le virtuel, la responsabilité des auteurs sur le monde qui les entoure. Son souci d'authenticité sauve le projet pour le faire décoller. Le portrait d'un monde où l'on ne parle pas qu'anglais, où les coutumes diffèrent, où les musulmans ne sont pas simplement méchants ou terroristes, tout ce monde apporte clairement un éclairage sincère à l'entreprise. Nous sommes forcément conquis par l'histoire. Mais quand nous regardons le ciel, on regrette que le cerf-volant ne s'envole pas plus haut... v.
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