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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le Cahier (Buda as sharm foru rikht)
Iran / 2007
20.02.2008
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SA MAJESTE DES MOUCHES EN AFGHANISTAN
"Fais la morte et tu seras libre"
Petit film, petits acteurs, petits moyens pour une vision profonde des racines de l’intolérance et des préjugés qui sommeillent dans chaque être humain.
Pour son film Le Cahier, la réalisatrice Hana Makhmalbaf filme les enfants de Bamian qui, déjà dans leurs jeux, reproduisent les gestes de guerre et d’intolérance transmis par les adultes. Le film a été tourné en Afghanistan sous les statues géantes de Bouddhas détruites par les talibans et près des grottes où tentent de vivre des familles décimées par des années de guerre. Disposant d’une structure rigoureuse et de modestes moyens, le Cahier réserve pourtant de beaux moments de poésie et d’innocence, renforcés par l’humilité du regard que pose la réalisatrice sur son sujet et ses petits acteurs. La plupart du temps filmé caméra à la main, le film met en scène des enfants qui n’ont jamais été confrontés à une prise de vue. La mise en scène s’appuie plus sur l’intensité des symboles (des pages du cahier deviennent des avions de guerre en papier) que sur le déploiement des procédés cinématographiques.
L’intérêt principal de ce film est d’avoir traité le sujet des racines de la haine en adoptant le point de vue des enfants, en se situant vraiment à leur hauteur. A la manière d’un Sa Majesté des mouches, nous plongeons dans cet univers à la fois cruel et tendre qui donne au film un caractère tout aussi léger que grave. L’innocence des enfants ne fait que mieux ressortir la terrifiante gravité de leurs jeux et de leurs paroles. La réalisatrice centre son récit sur Baktay une petite fille de 6 ans qui rêve d’aller à l’école et de découvrir le monde. Admirant son petit voisin qui récite l’alphabet toute la journée, elle se met en tête d’aller à l’école avec lui, quitte à braver tous les dangers. Tout au long de sa quête de liberté et d’émancipation, elle se confronte au monde des garçons qui déjà cherchent à travers leur jeu à la soumettre, à lui mettre un voile et à se battre contre les Américains. Quand ces enfants atteindront l’âge adulte, nous dit la réalisatrice, comment parviendront-ils à tisser des relations normales alors qu’ils font de la guerre le thème principal de leurs jeux ? Aux bâtons des garçons de son âge qui miment les armes, aux gestes de lapidation répétés sur elle, Baktay et son petit copain tentent d’opposer d’autres signes, le rouge à lèvre de la mère évoquant la beauté et l’émancipation, la glaise symbole d’humanité, la moisson symbole de fertilité.
Ce point de vue de l’enfance permet ainsi à la réalisatrice de dénoncer un monde de domination masculine et de guerre forgé depuis des générations. Elle montre aussi parfaitement à travers la quête de sa petite héroïne combien la guerre et les préjugés puisent leur source dans la pauvreté et l’ignorance.
Que peut-on espérer de la bonté humaine ? Comment grandir dans un monde de paix et le préserver ? On retiendra du Cahier une image originale forte qui forme l’épilogue et le prologue du film: une explosion, des vestiges culturels et religieux qui s’effondrent. Un monde en décomposition ? Makhmalbaf semble proche de faire ce constat. Baktay comprend au final que si elle veut avoir la paix elle doit accepter de «faire la morte et elle sera libre ». Derniers mots du Cahier qui sort de la bouche d’un enfant de 6 ans et qui saisissent d’effroi... Pierre
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