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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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J'ai toujours rêvé d'être un gangster
France / 2007
26.03.2008
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RIRE, RÊVE ET NOSTALGIE
«- C’est fou ce que tout change. »
Le rêve d’être, l’espoir de devenir sans jamais y parvenir. Devenir une star, un voyou, se construire une image, une histoire, des personnages. Pour qu’à la fin, un film se rêve d’être sincère, décalé, cocasse, humain. J’ai toujours rêvé d’être un gangster est construit comme un rêve de gosse qui, ayant acquis la maturité des grandes personnes, s’offre le grand huit des existences en roue libre, où chacun cherche son flingue en plastique et ne fait que trouver amitié et complicité.
On peut remercier Samuel Benchetrit de construire un cinéma influencé par les films des années 50 et le cinéma italien des années 60, où les trognes étaient incroyables et où l’histoire prenait son temps pour exister. Un cinéma en noir et blanc pour l’occasion, à la musique survoltée extra diégétique volontairement brisée et au rythme lent. Un film aux apparats de cinéma d’auteur donc. Mais de la même manière que la superbe affiche du film est trompeuse, l’auteur veut faire du ciné populaire et accessible au plus grand nombre. Et contrairement aux dernières boursouflures comme L’auberge rouge ou le dernier Astérix, ce cinéma peut être intelligent, divertissant et profond à la fois.
Monté comme un film à sketches même s’il n’en est pas un, Benchetrit fait s’entrecroiser plusieurs histoires dont les destinées trouvent leur point de chute autour d’une cafétéria en bord de route, J’ai toujours rêvé d’être un gangster déroute au premier abord. Humour à la Chaplin, dialogues absurdes et éloge de la loose donne le ton de cette œuvre singulière avec toute sa ribambelle d’acteurs plus ou moins entraînés à jouer sur cette scène de la vie. Une scène de la vie en constante répétition, avec ses couacs et ses canards. Surtout ses couacs et ses canards. Ce qui prête à rire, et à compatir.
Outre son talent de metteur en scène, sa science du cadre et du tempo rappelle Jarmusch et sa direction d’acteur fait penser à du Lubitsch, on sent chez Benchetrit une volonté de voguer à contre courant en créant un film hors d’époque tourné dans un format à l’ancienne. On est dans la comédie dramatique policière, entre l’humour belge et l’humour grolandais avec une touche d’Audiard. C’est bien simple, chaque ressort comique fait mouche et enrichit la portée humaine de cette comédie aux relents beckettien. L’ombre de Vladimir et Estragon n’est d’ailleurs jamais loin, et Godot prend la forme d’un kidnapping, d’une conversation nocturne ou d’un casse nostalgique. On rit de bon cœur, tout en ayant à l’esprit le désarroi de l’existence. Mention spéciale pour l’histoire des cinq gangsters enfermés dans leurs souvenirs, prêts à braquer un McDo pour un dernier tour de piste. Antithèse des Tontons flingueurs, ces « petits vieux » épousent l’air de nostalgie dont cet ovni filmique se fait le parangon.
J’ai toujours rêvé d’être un gangster est une déclaration d’amour au cinéma, un film d’un autre temps, où l’on prenait encore le temps de rêver. De gangster ou d’autre chose peu importe. On rêve toujours d’être. Surtout au cinéma. Denis
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