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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Dead Girl
USA / 2006
05.03.2008
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AMES DEFUNTE, FEMMES ET FEINTES
“- Vous a t-elle dit pourquoi elle s’est enfuie ?
- Elle n’était sans doute pas heureuse."
En filmant les causes et les conséquences d’un meurtre atroce sur une jeune femme un peu paumée, Karen Moncrieff se hasarde à dresser le portrait de six visages féminins dans l’Amérique d’aujourd’hui. Sombre et pessimiste, the dead girl exprime frontalement la vision d’un auteur qui ne se fait plus aucune illusion quant à la cruauté du monde des hommes. Par ces portraits, la réalisatrice trace une ligne, scénarise son propos en offrant un tableau de femmes humiliées, abusées, trompées, violées, assassinées... afin de comprendre le pourquoi de cette violence gratuite qui broie les squelettes de celles qui aspirent juste au bonheur simple.
Film longtemps mûrit, sincère dans son traitement et sachant capter la détresse de ses différentes protagonistes, the dead girl retranscrit une douleur de « vie » dans un visuel travaillé qui spécifie une histoire où s’entremêle des destins liés par ce meurtre odieux. Ambitieux dans son approche narrative, l’aspect choral qui vise à multiplier les points de vue, contraint pourtant la cinéaste à utiliser au-delà du nécessaire l’art de l’esquisse. Evitant la caricature jusqu’au dernier mouvement, la durée du film (1h30) empêche d’approfondir chaque drame humain pour ce qu’il est, propulsant ainsi ces femmes vers le « simple » mais émouvant portrait qui les catalogue, les définie et, en fin de compte, les cloisonne. Si parler de l’enfant, de la mère, de la sœur, de l’épouse et de l’étrangère par le prisme d’un fait divers sordide, permet à la réalisatrice de préciser son analyse sociologique sur le statut de la Femme, celle-ci est tour à tour assaillie par la peur, le silence, la soumission, les remords et le sexe. Triste tableau d’une réalité tangible - celle de la société patriarcale - la mort de Krista devient ce point névralgique qui sert d’électrochoc et qui mettra à nue l’intime des personnages. Malgré le manque de développement chronique, la mise en scène capte à merveille les silences de ces femmes en manquent d’attention, de reconnaissance et de confiance en elles.
Film d’auteur qui soigne sa présentation – lumière impeccable, composition du cadre recherché, casting impressionnant et sobre (Toni Colette, Brittany Murphy, James Franco, Josh Brolin) –, The Dead Girl arbore de vraies qualités formelles pour capter une attention qu’il arrive pourtant à créer par ses différentes thématiques. L’entame est de ce point de vue splendide. La vieille fille qui découvre par hasard ce corps mutilé va s’émanciper peu à peu par identification. En acceptant un rendez-vous galant malgré l’humiliation de sa mère ; en osant, enfin, regarder la femme qu’elle est. Cette partition à fleur de peau sera également évoquée au cours du passage tout en silence de la « fausse sœur » meurtrit. Et puis, inexplicablement, la distance vis-à-vis de cette violence sourde mais brutale se fera moins prégnante, moins « viscérale », moins cinématographique oserait t-on dire. Symptomatique de cette constatation, les autres parties baissent en intensité au fur et à mesure qu’elles se rapprochent de la défunte junkie. Plus caricaturales, déjà vu et moins profondes dans leur détresse, ces figures féminines nous touchent paradoxalement moins que l’étrangère et la « fausse sœur ». L’ensemble reste néanmoins cohérent, le climat oppressant du début parvenant à garder toute son intensité.
Malgré une dernière partie beaucoup trop explicative faisant « sauter » la très bonne idée narrative qui consistait à cloisonner chaque personnage vis-à-vis de la défunte, The Dead Girl arrive à nous toucher par sa sincérité et son supplément d’âme. Geoffroy
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