Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Mon Führer (Mein Führer) (Mein Führer - Die wirklich wahrste Wahrheit über Adolf Hitler)


Allemagne / 2007

12.03.2008
 



BOUFFONNERIE INUTILE





La dérision au cinéma est un exercice délicat. Si sa raison d’être semble évidant, son exigence l’est peut être plus encore. Rire de tout, de n’importe qui, quel que soit le contexte historique ou politique, demande de l’audace, une bonne dose de talent, un soupçon d’intelligence, une réelle capacité dans l’art de la distanciation et surtout une écriture au cordeau. Les mécaniques du rire, aussi codifiées soient-elles, reposent sur un équilibre précaire qu’il faut maintenir coûte que coûte en s’acquittant de la plus grande rigueur. Le cinéma, art protéiforme par excellence, est à même de procurer cet équilibre pour faire passer des idées, fussent-elles retravailler dans un registre burlesque, proche de la farce ou de la bonne vieille comédie populaire. Ce qu’il faut c’est apporter une plus value par le rire dans un travail de relecture, de réappropriation de la « chose » à parodier en façonnant un contexte singulier qui distille à bon escient la caricature, l’ironie ou la dérision. Soit un ensemble d’expressions qui se moquent de nos travers, de nos comportements et des évènements qui fondent ce que l’on peut appeler le « réalisme socio-historique » indispensable à toute comédie digne de ce nom.
S’il est donc souhaitable de pouvoir rire de tout, ce qui importe n’est pas tant ce possible mais plutôt la façon d’y parvenir. Et c’est tout l’enjeu du dernier film de Dani Lévy, Mon Führer, qu’il ne parvient jamais à relever.

Dans ce cas précis l’analyse cinématographique nous semble secondaire tant le poids de l’histoire aura rattrapé puis plombé le sujet même du film. Car s’attaquer à la figure génocidaire ultime, dans une tragi-comédie s’évertuant à mettre en scène un Führer bouffi par la caricature, en proie aux doutes les plus discutables sur le plan éthique, entre lassitude et remise en question existentielle franchement malsaine, était plus que risqué mais, aussi étrange que cela puisse paraître, assez logique du point de vue du cinéaste. Expliquons nous. En focalisant l’intérêt de sa tragi-comédie sur le Führer et ses lieutenants, Dani Lévy souligne à gros traits il est vrai, que l’horreur de la Shoah est bien l’oeuvre de la folie d’un seul homme et de ses généraux. Instigateurs, ils portent jusque dans leurs entrailles l’inconcevable planification de la solution finale responsable de l’assassinat de plus de 6 millions de juifs.

Partant de ce constat, le réalisateur va essayer tant bien que mal (mais plutôt mal) de psychanalyser la posture d’un tel homme pour le faire tomber de son piédestal. La figure du mal absolu s’humanise devant nos yeux ébahis pour devenir un idiot colérique, vindicatif et frustré, sorte de gamin mal dans sa peau et méchamment capricieux. Découpée à la hache, sans aucune once de subtilité ni d’ironie, cette représentation est plus que limite dans son objectif à vouloir faire comprendre par le rire (!). Rire d’Hitler et par conséquent du IIIème Reich demande un recul avisé et une dose de fiction beaucoup plus consistante afin de créer le décalage nécessaire pour susciter la « parodie » qui fera mouche. En occultant presque tout contexte afin d’installer un huit clos terne et froid dans lequel le cinéaste développe une mécanique des contraires douteuse – un grand dramaturge juif vient prêter mains fortes au Führer afin que celui-ci retrouve la motivation nécessaire pour accomplir jusqu’au bout son affreux dessein –, le film tente une plongée dans ce que Dani Lévy appel le « sur réel ». En vain.

Comme dit plus haut, l’histoire avec un grand H rattrape cette mauvaise farce qui n’arrive jamais à établir un environnement propice au décalage et au détournement comique. Malgré des situations invraisemblables d’une torpeur rédhibitoire, Dani Lévy aurait pu construire une loufoquerie acerbe sur Adolphe Hitler. Au lieu de cela, le réalisateur bascule dans le règlement de compte et nous livre un portrait inutile car vulgaire, en faisant de celui-ci une sorte de bouffon instable, laid, stupide, totalement dominé et peine à jouir, qui ressemble plus à un phénomène de foire, qu’au dictateur monstrueux qu’il aura été. Incapable de parodier ce personnage mégalomane dans sa folie meurtrière, Dani Lévy le rabaisse au niveau d’un simple déséquilibré inapte à supporter la charge qu’il s’est imposé. Et, ce faisant, délivre une lecture de l’histoire biaisée, voire irresponsable. La stupéfaction est à son comble et la colère aussi !

A l’instar du film de Benigni, La Vie est belle, il aurait sans doute fallu que le réalisateur instaure une réalité « différente », proche du conte, de la fable ou de la farce intemporelle. Cela lui aurait permis de mettre en image une sorte de clone d’Hitler beaucoup plus ridicule car non réel, sans diminuer d’un iota les conséquences sanguinaires d’un tel personnage scénarisé. Beaucoup trop « terre à terre » dans son traitement, l’histoire ne décolle jamais et la mise en scène éprouvante de statisme massacre des scènes a priori comiques qui ne sont ni drôles, ni inspirées. Le matériau n’exprime en fin de compte pas grand-chose, si ce n’est un esprit revanchard qui ridiculise l’histoire collective d’un tel drame. Mon Führer n’est même plus impardonnable, il devient juste mauvais, anecdotique et inutile.
 
Geoffroy

 
 
 
 

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