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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Beaufort
Israël / 2007
26.03.2008
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EN SON FOR INTERIEUR
"- Cigarette?
- Je ne fume pas.
- Tu veux commencer?"
Beaufort aurait pu se situer ailleurs qu'à la frontière israélo-libanaise; n'importe où. Ce Désert des Tartarres est en effet une reconstitution de l'inutlité de la guerre, de l'invisibilité de l'ennemi, de la fragilité du combattant. Une forteresse mythique datant des Croisés, qui a vu passé de nombreux guerriers, de multiples batailles, pour des causes parfois contradictoires. Seul le drapeau flotte. Ce drapeau qui change à chaque "remise des clefs" par l'ex proprio. Il suffit de grimper la montagne, de tuer quelques hommes et de s'en emparer : "ça fait 100 ans que les soldats rament ici." Vanité des peuples et force des symboles. Un bout de tissu qui se fait fouetter par le vent suffit à marque son territoire occupé.
Nous sommes dans un film claustrophobique. La citadelle qui sert de décor est un piège à ciel ouvert, une machine à broyer le moral. C'est aussi un lieu somptueux dominant un paysage magnifique. Mais cette partie "esthétique" que l'on visite au milieu du film n'est qu'un passage insouciant. Il n'y a pas de place pour les insouciants... Il est clair que cette prison est un personnage à part entière du film. Une matrice à problèmes. Les soldats sont à cran, les regards sont intimement liés par leur désespoir, les leurres, mannequins fantoches, ne sont pas différents des vigies réelles. Un lieu entre vie et mort, survie et impuissance. Il s'agit d'un labyrinthe très cinétique, qui aurait pu être encore mieux utilisé par la mise en scène.
Formellement, le film se repose sur un fondement : c'est l'anti jeu vidéo. Les éclairs sont fulgurents, les gestes sont précis, cliniques, documentés, les bavardages remplissent l'ennui de ces soldats oubliés. Parfois, le temps est presque réel. La force de Beaufort provient d'un double apport : les sons électroniques créant une atmosphère pesante et une ponctuation, toutes les trente minutes, où un drame "explosif" survient. La tension est palpable grâce à ces militaires pas franchement sereins. Mais le suspens est plus aléatoire. Il n'est véritablement exploité que dans la première partie du film et son épilogue. Le réalisateur parvient à nous surprendre avec la première explosion, qu'on n'avait pas vu venir. On ne voit jamais arriver l'horreur (sauf celui qui nous fait son numéro un peu trop voyant, dont on voit sa fin survenir). Il réussit aussi à nous émouvoir avec son final, qui n'a pourtant rien de mélodramatique. Joseph Cedar sait installer l'ambiance, prend son temps, parfois un peu trop. Il utilise quelques clichés, quelques grosses ficelles. Il montre son savoir faire quand il utilise l'incertitude comme moteur de l'histoire. Ce hasard et cette dangerosité qui met chacun sur le grill, qui nous fait intégrer la notion de péril. Tout est hostile. Le ciel est même grisé, jamais bleu. Boruillard, fumée d'explosifs, volutes de cigarettes, tout reste flou ou mal cerné. Les couleurs saturées, la terre terne, les habits kakis : rien ne contribue à embellir l'image, poyrtant très soignée.
Entre les impacts et les morts, la psychologie occupe l'espace : les hommes ne rêvent que d'une chose, rentrer chez eux, puisqu'ils n'ont aucune mission à effectuer. Le film survole les problèmes de hiérarchie, les contraintes de la politiques en Israël, la manière dont l'armée parfois est ingrate. Mais surtout Beaufort, très critique sur le système politique, pose la question de la responsabilité de cette guerre : chefs d'etat, chefs d'armée, parents... combien d'enfants morts? Des gamins qu'on verrait plutôt s'éclater dans les boîtes de Tel Aviv et flaner en terrasses plutôt que de les observer en animaux souterrains, oubliant leur condition humaine, ne pensant qu'au sexe, plutôt que de le pratiquer. Ils veulent se tirer et ne peuvent même pas riposter : ces hommes sont définitivement castrés. A quoi sert un soldat s'il ne peut pas tuer?
Le film ne manque pas de vitalité ni d'énergie malgré ses langueurs. Le plaisir est inégal. Grâce à son personnage principal, le spectateur s'identifie à la peur, l'orgueil, la lâcheté, le désir... Notre empathie pour cet homme beau et fort, tout autant que faible, nous permettent de nous scotcher au fauteuil lors des dernières minutes insoutenables. Il y a subistitution, on craint pour nos camarades, on tremble pour cette forteresse. On veut croire que notre héros va se libérer de son boulet, de sa prison, retrouver les siens, oublier les atrocités vécues. Le compte à rebours est cruel avec les nerfs. Et Beaufort, dans son ultime chapitre, devient somptueux grâce à une photo beaucoup plus contrastée. On comprend alors que ce fort était bien plus qu'un lieu, mais une flamme, une foi qui le rongeait. Ce n'est pas la désillusion d'un soldat qui est le fil conducteur d'un film, c'est une sorte de désenchantement. Un retour au monde réel, où le jeu n'en valait peut être pas la chandelle... Où le stortilège disparaît une fois les genoux à terre, l'uniforme enlevé, les mains cachant les larmes d'un jeune homme sur lequel trop de pression pesait sur les épaules. vincy
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