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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Retour à Gorée
France / 2007
02.04.2008
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L'ART EST LE PLUS COURT CHEMIN D'UN COEUR A L'AUTRE ALAIN
Je crois que chaque personne a une mission dans la vie.
Youssou N’ Dour, croyant avant d’être artiste, présente en ces termes le voyage initiatique qui l’attend au cœur de la musique noire. Il se confie à son ami, le conservateur de la maison aux esclaves de Gorée. C’est de là, de cette île magique devenue le symbole de l’esclavage, située au large de Dakar, que tout commence. Vous l’avez compris : amoureux du Sénégal et de cette île, fan de Youssou N’Dour, Retour à Gorée est un rendez-vous rare à ne pas manquer. D’autant que seulement 10 copies sont distribuées en France.
Pierre-Yves Borgeaud situe Retour à Gorée entre le road-movie et le documentaire, un peu à la manière d’un Bohringer. Il fait voyager sa caméra des ruelles de Gorée jusqu’à Atlanta, la Nouvelle Orléans, New York, Luxembourg pour enfin revenir à Dakar. Nous partageons l’intimité des voyages et des rencontres. Nous assistons aux répétitions. Et tout au long des plans, le spectateur capte l’invisible : les affinités profondes qui se créent à travers la musique. Des liens d’amitié et de fraternité remplis de gravité, d’émotion et de rire. Le film réussit à rendre très attachantes différentes personnalités de musiciens qui, malgré leur différence, se trouvent unis par leur passion commune. Les voix s’accordent. Des regards parfois intenses se croisent. Les langues, les religions et les cultures se mêlent. Par la puissance évocatrice de ses gros plans, sans démontrer, le réalisateur parle avec tact de l’harmonie entre les êtres au-delà de ce qui les sépare. Autant qu’elle voit, sa caméra sait écouter, presque méditer.
Retour à Gorée, en plus d’être film sur la musique, est en effet un voyage méditatif dans l’Histoire. Depuis la Porte du non retour où Youssou N’Dour effectue son pèlerinage initial, jusqu’à la grande porte des Etats-Unis, le spectateur comprend que le gospel, le jazz, le blues et plus tard le rock puisent leur origine dans les negro-spirituals et les rythmes des djembés africains. C’est bien de Gorée et du chant des esclaves que partent tant d’influences musicales qui seront développées aux Etats-Unis par la diaspora noire. La musique constitue le lieu d’expression de la lutte pour la reconnaissance et la dignité des noirs partout dans le monde. La musique résonne de ce combat pour la reconnaissance et la mémoire. Le film permet ainsi de découvrir différentes communautés, leur besoin vital de faire mémoire et de partager une culture commune pour se forger une identité.
Autre rareté de Retour à Gorée, celle de nous fait vivre plusieurs jours dans la proximité de Youssou N’Dour, chanteur mondialement connu mais dont on a rarement l’occasion de partager l’intimité. Pour beaucoup, Youssou N’Dour c’est d’abord une voix. Le film donne ici l’occasion de découvrir une personne aux multiples facettes. Homme de foi, ambassadeur de l’Afrique, musicien doué d’une grande intuition artistique, il prend la figure du Frère auprès de tous ceux qu’il rencontre au cours de son périple. Dans de très belles tonalités sombres, l’image saisit avec beauté et grâce ce visage rond, généreux et expressif, capte la voix puissante et fragile en même temps, ce timbre africain qui nous est directement familier.
Le chanteur achève sa mission en retournant à Gorée. La quête trouve son accomplissement lors d’un concert final sur l’île où tous les musiciens venus de différents horizons se retrouvent pour jouer, non loin de la maison aux esclaves qui fut le témoin d’un des plus grand déchirement de l’humanité. Ce qui était disséminé est réuni à Gorée. Le temps d’un concert, tous ne font qu’un, dans une belle harmonie…
Musicalement, ce road-movie nous le redit avec force. Il y a bien une question qui ne passera pas : la question de l’autre ! pierre
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