Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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[REC]


Espagne / 2007

23.04.2008
 



LA PELLICULE VIRALE





«- Tu filmes tout, n’arrête surtout pas la caméra !»

Mise à l’épreuve
Tout filmer, jusqu’à la fin, jusqu’à ce que le spectateur n’en puisse plus et ne désire qu’une chose : sortir de la salle et se dire que tout ça n’est que du cinéma. Oui, ce n’est que du cinéma, mais un cinéma qui laisse KO, avec des spectateurs sur le carreau. Tout va aller très vite, vous aurez tout juste le temps de vous rendre compte que déjà votre souffle sera plus court et vos mains crispés. Au début ça avait l’air amusant mais maintenant vous ne rigolez plus du tout. Ca ne vous donne pas envie ? Vous préférez voir un gentil divertissement inoffensif ? C’est votre droit. Mais vous passeriez à côté d’un chef d’œuvre d’épouvante à ranger aux côtés de Shining et du Voyeur de Michaël Powell, un bijou d’angoisse qui nous rappelle que le cinéma, entre les mains de metteurs en scène intelligents et en pleine possession de leurs moyens, peut nous prendre à la gorge et ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière seconde.

Why REC ?
REC. Enregistrer, ok, mais enregistrer quoi. Dans notre époque où tout évènement vient s’inscrire immédiatement dans un oeil mécanique, où le moindre fait divers rempli les plages télévisuelles et où la téléréalité s’immisce dans nos foyers pour filmer le quotidien de monsieur tout le monde, que reste-t-il à l’être humain à enregistrer sinon des sensations, des bribes d’instants sincères et vécus pour la première fois. Et encore. Ils seront vécus pour la première fois pour les besoins de la caméra. Donc tricherie, usurpation d’affects. Je répète ma question : que reste-t-il à filmer dans ce monde visuellement saturé ? Peut être quelques chose qui ne saurait être visible, qui est du domaine de l’indicible, de l’impalpable, qui est menaçant et pousse l’homme dans ses derniers retranchements, où le stade animal redevient le stade supérieur, où tout est secondaire, même un reportage TV, surtout un reportage TV ! Et pourtant. C’est bien lui qui témoignera, qui se fera l’avocat du diable quant au fait que tout doit être vu et su à travers l’oeilleton boulimique de la caméra. Tout, absolument tout, quitte à y laisser la vie. Car REC ne propose rien de moins que de filmer la peur.

Les masques de la peur
Cette peur, que le cinéma souhaite prendre sous son aile depuis toujours, a alimenté les plus belles et effrayantes histoires que le septième art ait crée, que ce soit l’oedipien et pervers Voyeur, les suggestions architecturales de La maison du diable ou l’inconnu claustrophobique de The thing. Des classiques, dont les procédés fonctionnent à chaque vision et que le temps n’arrive pas à étioler. Et la peur n’ayant pas que trois visages, c’est Jaume Balaguero qui est venu offrir le sien depuis quelques années afin de devenir à n’en pas douter son représentant le plus efficace. Comme une tumeur maligne, qui se terre et ronge intérieurement, le réalisateur espagnol a compris que cette sensation est enfouie dans les crevasses de l’être et qu’elle est vieille comme le monde. Raisons suffisantes pour la déterrer derrière des souvenirs, des croyances, des réminiscences, la faire éclore sous le masque de l’enfance, du handicap, de l’isolement. Cette épouvante à fleur de peau se nomme La secte sans nom, Darkness, Fragile. Cette description pour notifier le talent exceptionnel de Balaguero à filmer cet indicible nous poussant à allumer la lumière dès la fin de ses films, mais surtout pour appuyer la rupture de ton provoquée à la vision de REC. Absorbant l’idéologie de la téléréalité et du Projet Blair Witch avec un troisième élément (une peur bien contemporaine !) qui ne saurait être décrit ici sans en déflorer l’impact dans le film, Balaguero, ici accompagné du jeune et doué Paco Plaza, balise un nouveau territoire d’expérimentation de la peur. Une peur contagieuse qui, avec ce procédé de la vision subjective, devient intime et s’incarne dans l’ici et maintenant. Et cette même caméra subjective prise de panique qui dévale les escaliers et arpente nerveusement les couloirs, où l’image se transforme en un flux spasmodique à l’instar du caméraman qui ne parvient pas à lâcher son outil de travail dans les pires situations. Et nous de continuer à regarder. Car nous jouons le jeu, le jeu de la peur savamment instillé par les réalisateurs. Un jeu au procédé à une ou deux reprises trop apparent (ce sont les limites de la téléréalité !), mais qu’importe, la terreur irrigue le film à chaque plan, et la peur trouvera son apothéose dans une séquence à l’aveugle éprouvante et nihiliste. Un vrai cauchemar sur pellicule qui, petit détail important, ne dure qu’une heure vingt. C’est vous dire la perfection et la radicalité immersive de REC.
REC : nous sommes tous filmés, nous sommes tous des voyeurs.

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MON VOISIN LE ZOMBIE

"- Elle a juste une angine"

Après l’énorme succès du Projet Blair Witch en 1999, c’est toute l’industrie du film d’horreur qui s’est vue bouleversée. Tourné en 16mm avec des moyens dérisoires, Blair Witch a imposé la caméra subjective et le point de vue de la victime comme les recettes-clés du frisson garanti. Après Cloverfield et avant Diary of the dead, le prochain Roméro, c'est l'Espagne qui livre à son tour une production qui se veut la plus crédible possible.

Malheureusement, avec ses cadrages purement cinématographiques, le film échoue dans sa quête de docu-réalisme subjectif. Le caméraman de télévision a du mal à effacer le chef opérateur du film surtout quand il capte les victimes happées par des zombies qui surgissent hors-champ. Et comme pour Cloverfield et consors, pourquoi tenir une caméra alors que vous savez votre fin proche ? L'effet est voulu, vain, gratuit, mais efficace. C'est au nom de cette efficacité et non pas au nom d'un quelconque sens des réalités que ce genre de films trouve son inspiration.

Et çça fonctionne: ces quelques points faibles s'effacent devant la radicalité de l'horreur. Ancrée dans le quotidien, elle est bien plus réussie que celle d'un bon nombre de productions américaines récentes. Ne lésinant pas sur le gore et les effets de surprise quitte à virer parfois au grand-guignolesque, REC est également un huis-clos étouffant duquel il sera difficile de sortir intact, tant pour les personnages que pour les spectateurs à l'estomac retourné.

Ne puisant pas son intérêt dans une histoire déja vue (un virus transforme les gens en zombies), cette production parfois maladroite par perfectionnisme, sort toutefois du lot des films d'horreur récents. Le rythme est soutenu (1h20 de film) et régulier. La tension et l'angoisse gagnent progressivement le spectateur tenu en haleine. REC ne cache pas ses références et plaira à coup sûr à tous les amateurs de hurlements en cascade et torrents d'hémoglobine.
 
Denis (5*) / Raphaël (3*)

 
 
 
 

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