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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Joshua
USA / 2007
30.04.2008
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COMMENT J’AI « TUE » MON PERE , MA MERE…
«- Drôle d’engin. On dirait que tu donnes de l’oxygène à ton nichon. »
Joshua ne révélera ses motifs, son mobile ?, qu’à la fin du film, en chantant une contine aux paroles glaciales et effarantes. Ce garçon trop brillant pour être honnête, pas encore adolescent, va être capable de détruire sa famille, en toute légalité. Le plus atroce n’est pas qu’il parvienne à ses fins, mais que le système empêche ses victimes de se débattre ou d’y survivre.
Pourtant Joshua, ce n’est pas un film venu des films d’horreur : nulle poupée maléfique, point d’arme du crime. Il est en costume cravate, sa voix est posée, tout est réfléchi. Un charmant petit Lord Fantleroy. Ce thriller psychologique ne mise pas tant sur ses bizarreries que sur les réactions des gens normaux, qui en viennent à paraître anormales.
Au départ il y a le diktat de l’enfant roi, cette obligation d’aimer sa progéniture, sans discernement. La famille est prospère, idéal, ennuyeuse, élitiste, athée. Le gamin a hérité de toutes ces « tares », sauf une : il croit en Dieu. Entre ésotérisme et névrose psychotique, Joshua, va aliéner tout le monde. Le spectateur espérera jusqu’au bout avoir compris pourquoi. Il n’en sera rien. Ce plan démoniaque et calculé n’a qu’une solution : la sienne. Il ne s’agit donc pas de sauver Joshua ou de moraliser le final. La seule morale est tissée à travers tout le scénario : l’éducation parentale échoue dès lors qu’un enfant n’est pas considéré comme un individu mais comme une propriété. Du coup l’individu se rebelle et choisit sa famille. On peut en retenir une autre moins séduisante : la perte des valeurs chrétiennes conduit forcément au péché. Il y a toujours un fond de mysticisme dans ce genre de films. Le cinéma puise ainsi sur des croyances d’un autre temps, le malin qui s’empare d’un être, pour nous faire trembler dans notre confort, sur fond de culpabilité : le père toujours occupé, la mère qui ne peut pas allaiter, la vie affreuse de cette Babel vicieuse… Et ainsi Joshua nous tient en haleine jusqu’au bout. Sans être transcendantale, contrairement au très stylé Birth avec Kidman, la mise en scène ne perd jamais son fil conducteur et nous happe dans sa spirale infernale où « l’innocent » est le méchant. Le suspens n’est pas absent, même si ce n’est pas l’élément essentiel, il réussit à nous crisper lors de partie de cache-cache...
Cette dualité entre une atmosphère familiale et un univers inquiétant s’annonce avec l’audition musicale, une véritable cacophonie cocasse. Quand Joshua pianote «Ah vous dirais-je maman…», les notes glissent, enchaînant la mélodie enfantine vers une musique presque stridente. Il ne joue pas faux, il crée une partition qui va nous donner la tonalité du film. Tout arrive ainsi : subrepticement. Ainsi la cuisine baigne dans le rouge quelques instants avant que la mère ne se coupe la voute plantaire. Tout se dégrade rapidement, avec machiavélisme, sans angélisme, sur fond d’évangélisme.
En employant tous les codes du film d’horreur, en "zyeutant" du côté de The Shining et du Cuirassé Potemkine, le film fait plus flipper que sursauter. Mais en évitant tout happy end, il nous hante au-delà de ses ambitions plutôt modestes et malgré un style sans artifice. Même s’il manque un ou deux éléments pour justifier les choix de Joshua, le plaisir d’avoir été abusé par ce sale gamin, chanteur, maître-chanteur est assouvi. On aurait cependant rêvé d’être davantage perturbé.
v.
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