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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Diary of the Dead (Chronique des morts-vivants)
USA / 2008
25.06.2008
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LA MORT EN DIRECT
«- Pourquoi ne lâches-tu pas ta caméra ?
- Parce ce que je veux être le témoin de la réalité ! »
Le créateur des morts-vivants revient à l’attaque, et c’est peu dire qu’à l’orée de ses soixante-dix ans George Romero se soit calmé. Pire, ses morts-vivants semblent toujours aussi propices à la métaphore de notre monde déshumanisé, surmédiatisé, désinformé, manipulé. Bref, film d’horreur et brûlot politique vont toujours de pair, Romero clamant haut et fort que le mort n’est pas nécessairement celui que l’on croit.
Toute l’industrie cinématographique le sait, Romero est certes un cinéaste de l’horreur, mais il est avant tout un défenseur des droits de l’homme, un cinéaste engagé, dont chaque film emprunte de son époque pour un peu mieux l’imprégner du voile qu’elle se refuse à voir. Le racisme et la destruction du noyau familial prémisse de la famille nucléaire dans La Nuit des morts-vivants, le cri d’alarme d’une société de consommation anthropophage dans Zombie, l’idéologie militaire et les expérimentations humaines dans Le jour des morts-vivants, et enfin l’exploitation des pauvres par les riches dans Land of the dead. Spectre du Vietnam, fantôme de la toute puissance américaine, désincarnation de l’American way of life, Romero est le héraut d’une Amérique en deuil ne vivant qu’à travers ses propres mensonges. Et ce Diary of the dead enfoncera encore un peu plus cette idée, à la différence près que cette fois-ci ce n’est plus seulement l’Amérique qui est concernée mais bien la planète entière dans sa soif inextinguible d’images. La vie oui, mais c’est encore mieux quand on l’expérimente à travers le prisme de la caméra. Diary of the dead, ou le journal filmé d’une humanité en désaveu.
Passons rapidement sur la mise en scène parfois un peu laborieuse du maître de la vie post-mortem, les actes et paroles des protagonistes important moins au final que la manière dont ils se mettent eux-mêmes en cage. Le discours de Romero semblant d’ailleurs déjà daté dans sa propre instantanéité, la faute à la course contre le temps que l’homme s’échine à dépasser dans son dédoublement spéculaire, mais la conviction avec laquelle il l’assène force le respect. D’un hôpital désaffecté au voyage en camionnette pour terminer dans une superbe demeure, le réalisateur ne cueille que cette addiction à l’enregistrement de la réalité, comme si la trace d’un certain 11 septembre restera à jamais indélébile (cet évènement semble lui aussi déjà daté dans sa saturation visuelle et idéologique).
D’ailleurs les protagonistes au début du film se demandent s’ils ne sont pas victimes d’un acte terroriste ou d’un attentat biologique. Toutes les supputations sont bonnes pour définir le cataclysme imminent, et à chacun d’y trouver un soupçon de vérité. Mais quelle vérité ? Celle des médias, celle de la rue, celle à laquelle on s’efforce de croire afin de se rassurer ? Romero, conscient de ce nouveau mal du siècle avec son frère jumeau qu’est la banalisation de la violence, propose une vérité faussée, individualisée, tronquée par le désir de laisser sa trace malgré la chute irrémédiable de l’instant présent englué dans un système de communication en réseau. Une émeute à l’autre bout du monde s’inscrit instantanément sur votre écran d’ordinateur, et vous pouvez remonter la séquence afin qu’elle puisse sembler plus proche de Votre réalité. Les ombres de la caverne se sont transformées en pixels tentaculaires que rien ne pourra empêcher de croître. A la question combien de fois ont été diffusées et triturées les images du 11 septembre le réalisateur semble répondre par une autre question : et combien de morts seriez vous capable de filmer pour votre postérité et votre témoignage de la réalité ?
Rajoutez à cela l’idéologie d’une vérité à laquelle on ne croit plus, à des médias manipulateurs faisant une fois encore écho aux ratiocinations infinies des analystes lors de l’attentat du World Trade Center, et vous aurez une idée du coup de sang innervant tout du long le dernier opus de la saga des morts-vivants. Le symptôme YouTube explose jusqu’à l’écoeurement, la vie et la mort ne sont plus que des interfaces pour Internet, et plus encore que dans Redacted ou Cloverfield, le procédé de la caméra subjective dans Diary of the dead transforme l’être humain en chair à images. L’adage « nous sommes ce que nous mangeons » se voit ainsi remplacé par « nous devenons ce que nous filmons ». Puissent les vivants reposer en paix.
denis
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