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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Sagan
France / 2008
11.06.2008
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ADIEU, BONHEUR
«- On va pas vous mettre en prison pour trois gouttes de pipi!»
Avant propos
Les films biographiques ont ceci de décevant qu’ils laissent toujours une frustration : celui de ne pas en apprendre plus, celui de vouloir en savoir plus. C’est peut-être la clef qui ouvre nos songes à une certaine empathie vis-à-vis du personnage ainsi starisé. Si les films sur Tina, Ray ou d’autres nous ont rendus indulgents, c’est sans doute qu’ils brossaient un portrait sympathique, mais sans concession. A l’inverse, La môme ne produisait pas ce capital sympathie pour Edith Piaf, et nous laissait ainsi à distance d’un destin exceptionnel. Diane Kurys, en se détachant à la fois de la création littéraire et en refusant l’esbroufe d’une ambition cinématographique impossible, a réalisé un film insidieusement charmant, légèrement émouvant, discret et presque désuet. Peu importe la rectitude des faits ou la flamboyance des événements, son Sagan n’est pas là pour nous éblouir comme Dahan cherchait à le faire avec une maîtrise technique presque trop froide, mais bien à nous séduire à travers un scénario qui rend son personnage erratique et mélancolique. La Môme nous balançait d’une époque à l’autre, de la grandeur à la décadence, pour appuyer vulgairement la prestatation (performance) de Cotillard qui mimait (parfaitement) Piaf. Sagan détisse ce fil conducteur et chronologique, brûlant ainsi la vie d’une écrivaine insouciante et trop consciente, en s’aidant d’une interprétation subjective de Testud qui joue Sagan, à sa manière.
Ce sont deux manières diamétralement opposées de filmer la vie de quelqu’un. On peut aimer la grandiloquence et les effets de La Môme, ou préférer la « petite musique » de Sagan. Les deux films ont ainsi les défauts de leurs qualités, ou sont à l’image des destinées décrites. La Môme était calibrée pour un public mondial, quasiment formaté. Sagan est un film champêtre, bourgeois, intime, à l’origine créé pour la télévision française.
Propos
« Je crois qu’on écrit pour trois ou quatre personnes qui vous croient forte, alors que vous êtes fragile et qu’un seul de leur mot peut vous mettre à terre. » Manière de nous annoncer que l’affect et les sentiments vont l’emporter sur son inspiration, son subconscient.
En deux heures, nous n’apprendrons rien des écrits de Sagan, mais beaucoup de ce qu’elle était : hors du temps, hors des modes, emplie de vitalité, phobique de la solitude et de la maladie. « Ce qu’on redoute le plus, le pire, c’est vivre sans amour, mourir sans une main pour nous retenir. » Sagan finira seule, et malade. Ses amis, famille de sang ou de hasard, sont morts ou l’ont quittée, elle aura chassé son fils de son esprit et sa fidèle secrétaire de sa maison. Il ne restera plus que celle qui l’accompagna jusqu’au dernier souffle, une servante. C’est tout le sel de cette tragédie. Ce que fuyait Sagan l’a rattrapé. Elle sera avalé par cet ennui ennemi qu’elle compensait par son insatiable soif de vie, de passion, de coups de tête. Mais ce déclin presque pathétique est amené avec tact et petites touches. Si les épisodes qui s’alignent insistent sur les faits les plus dramatiques de sa vie, l’ensemble laisse un goût plus amer, plus triste que larmoyant.
Cela tient énormément à la prestation humble et ciselée de Sylvie Testud, qu’elle veuille plaire ou partager, qu’elle soit femme ou sale gamine, insouciante ou insupportable. A elle toute seule, elle pallie les faiblesses du scénario, ou plutôt les très grosses ellipses temporelles. Par exemple, cette dépendance à la morphine et autres substances, déclenchées après son accident de voiture. La voix off (qui se justifie, pour une fois), nous explique les causes et les conséquences, tandis que le film attendra pas mal d’années pour nous montrer ces ravages dues aux toxines… Sans le talent de Testud, nous n’y aurions même pas cru. L’actrice a, certes, hérité de tous ses tics, mais elle surtout adopté un style, une manière d’être Sagan. Elle en a l’allure ce qui nous renvoie à l’illusion d’une transposition forcément factice, mais qui s’imprègne de vérité et qui ne manque pas de sensibilité.
Femme de passion (« Je ne vois pourquoi les gens s’obstinent quand l’amour est parti… »), de déraison, elle est surtout resté une jeune fille, adolescente perpétuelle, ayant une certaine nostalgie pour les rites et les folies de l’enfance. Dans ce genre de films très codé, Sylvie Testud parvient à sublimer certains moments, quand elle est isolée, sans « parasites », sans le bruit du monde qui l’entoure. Sinon elle devient un « people » à scandale. Ce qui est moins intéressant, mais toujours distrayant. Même si sa gloire, de plus en plus froide, ne réchauffe pas une atmosphère déjà un peu mortifère. La femme l’emporte sur l’écrivain et souffre de la comparaison avec ses contemporains (« Tu l’as vu mon Deuxième sexe ? Mon De Beauvoir ?»). Mère absente, épouse inconstante, écrivaine sans jus, amie délaissée ou trahie, Sagan est le portrait d’une jeunesse française foudroyée par le progrès. Comme Bardot, elle devint une icône précoce et n’a jamais pu grandir au-delà. Elle sera d’ailleurs traitée comme elle : une gamine dépendante et humiliée.
Il en ressort un sentiment étrange que cette scandaleuse apparaît trop sage par le biais du cinéma. Mais que le cinéma lui rend honneur en réhabilitant une personnalité hors norme, qui n’avait pas eu à subir le formatage de notre époque et qui avait su braver les conservatismes. Il semblerait que la liberté coûte cher, que cet idéal, comme le soleil pour Icare, brûle les ailes…
vincy
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