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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le monde de Narnia : Chapitre 2 - Le Prince Caspian (The Chronicles of Narnia : Prince Caspian)
USA / 2008
28.06.2008
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IL ETAIT UNE FOI…
"Tout ce que vous savez est sur le point de changer"
Quoi de neuf à Narnia ? On avait laissé le Royaume magique en pleine prospérité, sauvé de l’hiver éternel par le lion Aslan et les quatre enfants Pevensie, devenus les souverains de ce monde merveilleux (Le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique). Et voilà qu’à peine un an plus tard (deux et demi en ce qui concerne les spectateurs), alors que nos jeunes héros ont repris le cours de leur vie à Londres, ils se retrouvent à nouveau à Narnia. Mais un Narnia ravagé et revenu à l’état sauvage, dans lequel plus de mille ans se sont écoulés. Le procédé scénaristique est un peu facile, mais il permet au film d’entrer immédiatement dans le vif du sujet et, contrairement au premier volet, particulièrement poussif, de s’affranchir de trop longues explications et scènes d’exposition.
D’autant que l’enjeu de ce deuxième épisode ne diffère guère du premier : pas de chemins de traverse ni d’énigmes à résoudre, encore moins de sous-intrigues foisonnantes (si le bestiaire narnien s’est enrichi, les seconds rôles ne se sont guère développés), il s’agit simplement (enfin, façon de parler) de sauver Narnia, menacée non plus par une sorcière maléfique mais par une civilisation belliqueuse et brutale, les Telmarins. La bataille est cette fois encore décisive, énième incarnation de l’habituel combat du bien contre le mal. Comme c’est le cœur du film, Andrew Adamson et son équipe n’ont pas fait les choses à moitié : scènes d’action tonitruantes, "figurants" par milliers, débauche d’effets visuels et spéciaux, musique pompière et omniprésente… Efficace, certes, mais dénué de charme et de magie, parce qu’il ne suffit pas toujours de suivre consciencieusement une recette pour obtenir un plat qui sorte de l’ordinaire. Tout le problème de Narnia vient de là : ce n’est pas que le film soit raté (il fonctionnera même merveilleusement auprès des plus jeunes), c’est qu’il se repose un peu facilement sur des ingrédients rebattus (mélange de réalité et de fantastique, jeunes héros au destin exceptionnel, lutte inconditionnelle pour le Bien) et ne les met même pas au service d’une intrigue colorée ou originale. Pour caricaturer, 2 h 23 de film pour raconter une simple bataille, c’est tout de même un peu long.
…QUI DEPLACE LES MONTAGNES
Plus dérangeante sans doute s’avère l’idéologie véhiculée par Prince Caspian. D’habitude, ce genre de films apprend aux plus jeunes que c’est finalement au fond d’eux-mêmes qu’ils trouveront la force et les ressources pour agir, et qu’eux-seuls tiennent leur destin entre leurs mains. Ici, curieusement, la morale finale est presque opposée : le salut ne peut venir que d’un être providentiel et supérieur directement inspiré de la tradition mystique, en l’occurrence le Lion Aslan, figure christique transparente comme de l’eau bénite. Ce que ce deuxième volet tente d’inculquer à ses spectateurs, c’est que seule la foi peut déplacer les montagnes. D’ailleurs, la seule à croire en Aslan (présumé mort ou tout au moins disparu), c’est Lucy, la plus jeune des quatre enfants, de son propre aveu la moins courageuse, persuadée qu’elle n’est capable de rien par elle-même. Ses aînés, eux, ont confiance en leurs capacités et croient avoir de grandes choses à accomplir, aussi refusent-ils de s’en remettre aveuglément à quelqu’un dont l’existence même n’est pas avérée. Ils veulent agir et revendiquent le droit d’être maîtres de leur destin. Or le film suggère clairement que c’est cette liberté revendiquée (équivalant à une perte de foi) qui est responsable des catastrophes ayant touché les Narniens.
Ainsi la série poursuit-elle son étrange relecture de la Bible, où l’homme n’est qu’un enfant ayant besoin en toute chose de la main de Dieu pour le guider. Et l’on ne parle même pas des créatures fantastiques qui, elles, ont carrément besoin des Hommes pour faire appel au Très Haut à leur place… Ce qui sauve le monde, ce n’est ni la loyauté, ni le courage, ni même l’intelligence, mais le déterminisme divin. La métaphore est ainsi filée tout au long du récit, émaillé de morts ressuscités et de tentations vaillamment combattues. Après sa propre résurrection, Aslan doit même se faire reconnaître des siens et, comme dans les Evangiles, rares sont ceux qui croient sans voir. Tel Saint Thomas, Peter exige des "preuves" de l’existence d’Aslan. Plus pragmatique, Susan se demande pourquoi elle n’a pas été capable de le voir… et comprend que sa foi n’a pas été assez grande. Comme renié par ceux qui l’avaient adoré, Aslan laisse le monde courir à sa perte. Et là, c’est chez le spectateur que survient la tentation, celle d’établir un parallèle avec notre époque et avec la théorie bien connue qui explique les guerres, les famines et les catastrophes naturelles par la colère divine… Une récupération à la limite de l’honnêteté car, quelles que soient les croyances de chacun, croire en un être supérieur susceptible de régler tous les conflits ne devrait jamais permettre à quiconque de se dédouaner de ses responsabilités.
D’où l’agacement que ne manquera pas de susciter ce deuxième volet : dans une époque baignée par la subtilité philosophique du Seigneur des Anneaux (tout aussi imprégné de tradition chrétienne) ou le syncrétisme joyeux des Harry Potter, toute idéologie didactique dépourvue d’enrobage convaincant semble vite au spectateur adulte un catéchisme indigeste et ennuyeux.
MpM
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