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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Inju, la bête dans l'ombre
France / 2007
03.09.2008
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BARBANT SCHROEDER
“Bien sûr, vous savez qui je suis, tout le Japon connait mon nom !”
La séquence d’ouverture était pourtant prometteuse : dans un Japon atemporel, un détective valeureux poursuit un tueur masqué cruel et rusé. Le sang gicle, les têtes tombent, et une musique de circonstance accompagne le moindre mouvement de caméra. On se sent en terrain connu avec cette parodie de thriller cheap mais savoureux sous le signe duquel on imagine Barbet Schroeder avoir placé Inju. Et puis la véritable intrigue commence et l’on se met vite à déchanter. Passée les scènes d’exposition, qui laissaient espérer une plongée vertigineuse dans un monde sulfureux et violent, l’action devient principalement cérébrale : construction et déconstruction de l’énigme, recueil d’indices, recherche de réponses… Même le parfum de souffre est vite éventé : le sexe est quasiment absent, à peine suggéré dans une ou deux séquences sado-masochistes systématiquement écourtées, ou réduit à une scène grotesque d’interminable suçage d’orteils.
Et ce n’est pas l’intrigue elle-même, cette enquête sur l’identité d’un mystérieux écrivain-tueur, qui risque de sauver le film, tant elle est bourrée d’invraisemblances et de fausses pistes facilement identifiables comme telles. Schroeder essaye bien de jouer au chat et à la souris avec son spectateur, comme son héros maléfique le fait avec le malheureux Alex Fayard (incarné par un Benoit Magimel encore plus falot qu’à l’ordinaire), mais cela ne lui réussit pas. Plus malin que l’écrivain imbu de lui-même, le cinéphile a tôt fait d’anticiper les retournements et de deviner les ficelles. Sans compter que lui est capable de reconnaître une femme fatale quand il en croise une… Ce qui aurait dû être un véritable jeu de piste tourne alors à la révélation progressive de choses que l’on savait déjà. La grande scène des explications finales est d’ailleurs si bâclée qu’elle confirme le sentiment que tout cela n’est qu’un prétexte.
Un prétexte à quoi, la question demeure. Schroeder n’explore aucune des pistes qu’il lance (rapport entre plaisir et douleur, absence de limites morales, suprématie du mal sur le bien…) et ne parvient même pas à saisir correctement l’essence de cette société japonaise dans laquelle se déroule l’intrigue. Loin de tenir vraiment compte de ses codes et de ses coutumes, il en fait un joli décor de circonstance, avec Geisha fascinante et seconds rôles exotiques. On est même dans le plus pur stéréotype avec le portrait peu amène fait de la femme asiatique (forcément perverse et fourbe) de même qu’avec l’ethnocentrisme caricatural du personnage principal, qui débarque à Kyoto comme en terrain conquis et s’autoproclame spécialiste du plus grand écrivain local sans en maîtriser la langue. Partant de là, malgré un projet extrêmement excitant sur le papier, il ne reste à l’arrivée pas grand-chose à sauver d’Inju. On en serait presque à souhaiter un remake avec quelqu’un d’autre dans le rôle principal et un scénario qui tienne la route…
MpM
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