|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Parlez-moi de la pluie
France / 2007
17.09.2008
|
|
|
|
|
|
COMME UN ORAGE
"Elle a dit quand on veut, ce qui veut dire 20h15, en fait."
Pour son troisième film derrière la caméra, Agnès Jaoui, flanquée de son éternel complice Jean-Pierre Bacri, fait ce qu’elle sait faire de mieux : imaginer un scénario à thèmes, écrire des dialogues savoureux, construire des personnages sensibles et profonds. Côté mise en scène, l’actrice-réalisatrice-chanteuse reste une inconditionnelle du plan-séquence qu’elle utilise comme un moyen de faire durer l’action et de laisser l’émotion monter d’elle-même. Elle ne cache d’ailleurs pas son "complexe" envers le découpage et le montage, qu’elle emploie avec une parcimonie que ne manqueront pas de moquer ses détracteurs. Mais quelle importance, au fond, quand le plan-séquence est finalement l’outil idéal pour donner vie aux phrases et aux bons mots du duo… Ce qui importe, par contre, c’est que pour la première fois, les Bacri-Jaoui sont plus drôles que cyniques, plus bienveillants que féroces. Toute la première partie du film est ainsi un festival de situations comiques et de répliques irrésistibles, mettant en scène un Jamel "démotivé" par tout, y compris le fait de fumer des joints, et un Bacri nonchalant et lunaire.
Le duo est toutefois loin d’être tendre envers ses personnages qui dévoilent tous au fil des scènes leur part d’ombre et de fragilité. Ainsi la "sollicitude" chère à Agathe cache mal son indifférence aux autres tandis que le professionnalisme de Michel vole en éclats. Seul Karim semble épargné, apparaissant de bout en bout comme le plus sincère et le plus fiable des trois. On aime que les choses ne soient pas ce dont elles avaient l’air, mais c’est ici par trop systématique et manichéen. Les personnages en deviennent alors des archétypes destinés à servir de prétexte pour aborder certains thèmes de société comme le racisme, le féminisme ou l’injustice. Or, si cela s’avère parfois assez juste (comme le moment où Karim s’emporte froidement contre l’humiliation ordinaire), le reste du temps, le propos demeure trop basique pour ne pas frôler la caricature.
Un film profondément hétérogène
On est notamment assez déçu du portrait parfaitement stéréotypé qu’Agnès Jaoui fait de l’intellectuelle féministe : forcément cassante, autoritaire et incapable d’avoir une vie sentimentale épanouie. Pourtant, le parcours de cette femme qui a l’habitude d’être en contrôle et qui, tout à coup, suite à une micro succession d’événements, se retrouve à douter de tout, était passionnant a priori, en tant que destin personnel, et sans avoir besoin d’étiquette explicative galvaudée. Alors que là, en suggérant qu’à force de s’ériger en victime du machisme, elle finit par être victime d’elle-même, le film va trop loin. D’ailleurs, toutes les variations autour de la figure de la victime sont globalement peu convaincantes, d’autant que ce sont systématiquement les femmes qui ont le plus mauvais rôle, de la sœur qui se sacrifie pour rester avec son mari à la femme de ménage soumise, en passant par l’épouse inexistante de Karim. L’intitulé de la collection documentaire, "les femmes qui ont réussi", prend alors une saveur particulièrement amère… mais pas vraiment explorée par l’intrigue, qui se contente de jouer sur le contraste entre apparence de réussite et réalité plus floue.
Peut-être qu’avec Parlez-moi de la pluie, les Jaoui-Bacri ont voulu aborder trop de sujets "sérieux" d’un coup, sans être capables d’en approfondir aucun. D’où la profonde hétérogénéité du film, qui à l’image de ses personnages, est une vraie réussite dans sa première partie, et un demi-échec dans la seconde. Heureusement, le duo est toujours aussi efficace quand il s’agit de brosser un portrait délectable des travers de notre société ou d’inventer des dialogues qui font mouche. Sans parler de la direction d’acteurs : Jamel n’a jamais été aussi bien employé, dans un rôle plutôt plus nuancé que les autres d’observateur lucide et intransigeant, quant à Jean-Pierre Bacri, il est purement génial en clown blanc complètement paumé et à la candeur désarmante… Avec eux, on est prêt à parler de la pluie et du beau temps pendant deux heures, quitte à supporter les banalités et les baisses de rythme inhérentes à ce genre de conversation.
MpM
|
|
|