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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Wackness (The Wackness)
USA / 2008
24.09.2008
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NEW YORK, I LOVE YOU
“Je t’aime. J’ai envie d’écouter Boys II Men quand je suis avec toi.”
Les films indépendants sont reconnaissables. A tel point qu’ils donneraient presque l’impression de naître d’une recette miracle. Celui-ci aurait pu s’appeler “Cette année-là” ou encore “Un été 94 à New-York”. Car Wackness est né sous le signe de la nostalgie. Nostalgie d’une époque où fumer était encore un signe extérieur de cool attitude, où être un enfant de divorcés devenait la norme, où l’ombre du sida planait déjà sur les premières fois. Levine a invoqué sa mémoire pour glisser dans son film tous les détails qui lui donnent sa saveur mélancolique. Ainsi, Wackness constitue un véritable répertoire d’anecdotes évoquant le début des années 1990 : la Super Nintendo, les pagers, l’image de Kurt Cobain ou encore un bref hommage à Billie Jean. C’est aussi une ode à un New-York personnel, palpable, loin des clichés touristiques. Et enfin, c’est une chronique de mœurs drôle et sensible, soutenue par une BOF hip-hop impeccablement utilisée pour rythmer et étayer son propos.
Plus grandir
Un amour estival, la crise du passage à l’âge adulte, une amitié intergénérationnelle, on a déjà vu ça maintes fois. Le psy dépressif, le post-ado marginal, la reine du lycée, les rôles sont classables. Mais peu importe. Ce qui compte, c’est la pertinence, la subtilité du regard. Celui qui permet de donner à un parcours à priori ordinaire une saveur unique. Et cette acuité-là, Jonathan Levine la possède. Comme Juno ou Garden State, Wackness démontre qu’on peut dynamiter les stéréotypes en refusant de se cacher derrière des jugements et il le fait avec un art consommé de la suggestion, preuve que les personnages sont assez aboutis pour asseoir toute leur crédibilité. Les deux protagonistes affrontent des difficultés propres à leurs générations respectives. Celles des baby boomers pour le docteur Squires (Ben Kinglsey, hilarant), celles de la génération X pour Luke (Josh Peck). Mais au-delà de leur différence d’âge, ils vivent la même crise existentielle. La même tentation de fuir dans la drogue, légale des médicaments, ou illégale de l’herbe. Par pudeur, ils parlent de leur besoin de sexe alors qu’au fond, ce qu’ils cherchent, c’est l’amour. Car Squires souffre moins de la libido inexistante de sa femme que de son total désintérêt pour lui. Il s’encanaille pour combler son manque affectif dans une famille où communiquer se réduit à résumer l’épisode de la série qui passe à la télé.
Pareillement, Luke n’est pas tant obnubilé par son pucelage que par sa solitude. Personnage dessiné tout en nuances et magnifiquement interprété, “le plus populaire des mecs impopulaires” ou “le plus impopulaire des mecs populaires” traîne sa nonchalance pour vendre de l’herbe au lieu de partir en vacances comme les autres. D’abord pour se faire de l’argent de poche. Ensuite, pour tenter de prendre en charge les dettes de ses parents au bord de l’expulsion. Dealer mais pas racaille, il est à bien des égards plus mature que ses parents démissionnaires ou son ami psy. Cet été 94 lui fait vivre les étapes majeures d’une sortie de l’adolescence où les fantasmes et les illusions se cognent à la réalité. Stéphanie (Olivia Thirlby), sa dulcinée, est son exacte antithèse. Aussi désinvolte et affirmée qu’il est angoissé et timide, c’est une jeune femme qui confond contraception et prévention des MST et qui, façonnée par le spectacle démythifiant de ses parents, pratique le sexe avec conviction mais se refuse à la tentation de croire en l’amour. La grande passion ne sera donc qu’une aventure de vacances aux allures mensongères des cartes postales que seule la dérision sauve de la niaiserie. Au bout de ce roman initiatique à la fois désabusé et optimiste, Luke et Squires apprennent à accepter et à braver leur souffrance. Oui, dealer comme un fou ou s’offrir une de lune de miel de rattrapage ne rendent ni le déménagement ni le divorce évitables. Mais la mort d’une époque n’est jamais que la naissance d’une nouvelle.
Karine
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