Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Séraphine


France / 2008

01.10.2008
 



TABLEAU NOIR





«- Je ne veux pas de votre argent. On ne m’achète pas. On ne me fait pas miroiter des choses. »

Film d’auteur dans ce qu’il y a de pire et parfois de meilleur, Séraphine se complaît dans ses lenteurs, ses pesanteurs. Regrettable car Yolande Moreau, sorte de Mary Poppins hagarde, vieilliée, usée, confirme qu’elle sait habiter des personnages fantaisistes et tragiques. Dommageable aussi puisque le personnage, réel, Séraphine de Senlis, sera, pour la plupart des spectateurs, une découverte, et peut-être même une révélation pour ceux qui connaissent mal les « primitifs modernes ».

Evidemment, on ne peut pas s’empêcher de songer au destin de Camille Claudel. Dans l’ombre d’un géant (Douanier Rousseau), entre folie personnelle et obsession créatrice. A croire que les artistes démentes inspirent le cinéma ; hélas, le cinéma ne semble pas trouver le juste ton pour les évoquer. L’image appuie les gestes en gros plans, desservant ainsi les nuances de jeu de la comédienne. La caméra est pudique dès qu’il s’agit des souffrances intérieures ou de l’homosexualité du collectionneur. Les cadres larges sont plus convainquants, mélangeant la silhouette de la peintre avec son élément, la nature. Le film est paradoxalement plus impressionniste que naïf, plus individualiste qu’intime.

Nous suivons ainsi une femme, une formidable Moreau en l’espèce, quelconque, cumulant les petits jobs à dix sous, prenant de la terre, des fougères, du sang d’animal… Autant de composants pour créer des couleurs. On ne la verra peindre que beaucoup plus tard. Cette construction progressive permet une certaine tension, une sorte d’attention. De même, l’intrusion d’un collectionneur galliériste allemand ajoute de la méfiance et des « rebondissements » dans une époque où les conflits avec le voisin germanique couvent puis surviennent. Enfin, les seconds rôles amènent un peu de relief à ce scénario très linéaire. Le provincialisme face à l’art naïf, incompris, le ringardisme contre le snobisme, n’apportent rien de neuf dans le discours qu’on ne sache déjà. Mais, tout cela rappelle que les artistes maudits font toujours un bon matériau pour le cinéma et que le peuple a souvent mauvais goût en art.

Cela suffit-il à nous captiver ? Loin de là. Abusant des fondus au noir, survolant les années, effleurant à peine le contexte historique, le parcours devient presque abstrait, entre accélération et contemplation. L’ellipse des douze années d’après guerre, résumée par un bref entretien journalistique, apparaît artificielle. Hélas, le cinéma est aussi affaire d’invisible. Et nous aurions aimé, quitte à être dans un film naturaliste et philosophique, que la folie, la foi et la ferveur inspirent davantage un style onirique et fougueux, physique et mystérieux. Cette femme n’avait pas seulement du talent, et une idée fixe. Il s’agissait d’une vie fusionnelle… Tout n’était que peinture : ses matières premières, son argent, son inspiration, la nature, tout se traduit en tableau.

Quelques plans nous rappellent des tableaux vus dans les Musées. Séraphine, le film, se mélange alors, et enfin, avec Séraphine, la peintre : quand elle divulgue ses grandes « croûtes » aux habitants, attendant leur réaction, cherchant leur émotion. Sublime séquence où l’art garde son pouvoir d’impact sensitif.
Il reste donc l’impressionnante composition de cette marginale fantaisiste, Yolande Moreau, et celle, non négligeable de cet avant-gardiste humaniste, Ulrich Tukur. Deux anges miséricordieux. Discrets et touchants, leur histoire d’amour impossible trouve sa finalité dans une douce intention : une chaise, seule, qui leur rappelle un pacte, nécessaire, entre un financier et l’artiste pour que l’art subsiste, et survive à leur fatalité.

On glisse, sur la fin, vers des considérations plus banales à propos de la déraison. Séraphine nous a échappé depuis longtemps. Elle qui avoue en regardant un de ses tableaux : « Moi aussi quand je le regarde j’ai peur de ce que j’ai fait ». Le réalisateur aurait peut être du aller vers davantage de sobriété, et moins de maniérisme. Ici, aucune peur, aucun délire. Juste quelques divagations autour d’une artiste insolite, ressuscitée par la grâce du 7e art, et des nombreux livres qui gravitent autour pour l’occasion.
 
vincy

 
 
 
 

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