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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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El otro (L'autre)
/ 2007
08.10.2008
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JE EST UN AUTRE
"Je suis sûre qu’il ne s’agit pas d’un simple retard…"
Le concept est plaisant : "emprunter" l’identité d’un autre et s’inventer une nouvelle vie dénuée de contraintes. Que ce soit à un tournant particulier de l’existence (ici : la paternité) ou par jeu, il est tentant de repartir de zéro… ou au moins d’en caresser l’idée. Changer d’identité est en effet le moyen idéal pour oublier tout ce qui alourdit notre quotidien (soucis matériels, routine, déceptions) et lancer un défi à la vie et au temps. Car qui n’a jamais eu un frisson d’effroi en réfléchissant à tout ce qu’il ne serait jamais, à tous ces possibles auxquels il faut renoncer pour ne suivre qu’un seul chemin ? Etre capable de se rêver autre et de tout quitter du jour au lendemain est un moyen de garder la main mise sur sa propre existence, d’affirmer sa liberté. Mais que faire de cette liberté ? Juan, le personnage d’El otro expérimente le vertige qui saisit celui qui se retrouve soudainement en face d’une multitude de choix. D’abord grisé, il finit par prendre peur. Et si ce fantasme du nouveau départ n’était au fond qu’un leurre, un cruel artifice pour oublier que la vraie vie file sans jamais s’arrêter ni revenir en arrière ? Car se construire une autre identité n’empêche pas de rester soi-même derrière les apparences et les faux semblants. Rapidement, les ennuis rappliquent…
Dans le cas du héros du film, le procédé est surtout au départ un moyen de surmonter le choc que représente la naissance d’un enfant couplée à la prochaine disparition d’un père. Juan se projette dans ce père si diminué qu’il ne peut plus rien faire seul, et imagine le jour où son fils devra prendre soin de lui comme il prend soin du vieil homme. Il perçoit aussi la course du temps qui le fait monter en grade bien malgré lui, passant de la jeunesse (le fils s’occupant du père) à la maturité (le père veillé par son fils). Tout au moins, c’est ce que l’on imagine en regardant le film. Car si on lit sur le visage et dans le regard de Julio Chavez, perpétuellement fouillés par une caméra introspective, le doute, la confusion, le ras-le-bol et la peur, rien d’autres ne transparaît de ce personnage mutique et monolithique. Le film s’attache au contraire à rester le plus en retrait possible, multipliant les scènes non signifiantes et dilatant au maximum l’action, comme pour ôter la moindre once de romanesque au récit. Reste alors une immense place pour l’interprétation personnelle, ainsi qu’un sentiment de torpeur et de lenteur qui évolue peu à peu en ennui poli. On aimerait se projeter dans le trouble du personnage central et se passionner pour ses cheminements intérieurs, mais le fait est qu’il ne parvient pas à nous atteindre.
MpM
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