Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Coluche, l'histoire d'un mec


France / 2008

15.10.2008
 



LE FLIC, LES JOURNALISTES, LES HOMMES POLITIQUES : J’M’EN FOUS !





« - Le plus important, c’est de semer la merde. »

Antoine de Caunes avait, jusqu’à présent, l’habitude d’aplatir avec sa caméra tous les scénarii qu’il filmait, malgré leur relief qui faisait leur intérêt. Avec Coluche, l’histoire d’un mec, De Caunes réalise son meilleur film. Cela ne signifie pas que le film est une réussite cinématographique mais bien que le scénario n’est pas gâché par une mise en scène pesante. Avec un montage vif, un cadrage dans l’air du temps, des allures de 99 Francs, sans les effets spéciaux, et une transposition précise tant au niveau des décors que des costumes, le film s’avère un divertissement agréable et intelligent.

Evidemment le fond est plus intéressant que la forme. Fils cathodique et ancien animateur, De Caunes décrypte très bien la mécanique médiatique, l’emprise du pouvoir et les réflexes de castes contre un élément perturbateur comme Coluche. De même, on le sent en terrain familier dès qu’il s’agit de croquer le monde politique, du show biz, de se moquer de ce début des années 80 et de cette France conservatrice, pour ne pas dire puant le renfermé.
Le très bon script de Diastème n’est pas étranger à la qualité de cette chronique politique. Car il ne s’agit pas d’un biopic couvrant les vingt années de l’artiste ou les quarante années de sa vie. Le film ne se concentre que sur quelques mois, de sa candidature à la présidentielle à la victoire de Mitterrand. L’un et l’autre étant liés, puisque Coluche se présente persuadé que Mitterrand, un recalé du passé, se plantera face à Giscard. De cette erreur, la vie de l’amuseur public numéro 1 sera bouleversée : divorce, dépression, fâcheries, … Sans parler de la confrontation avec la colère des opprimés, la misère du peuple.

Tout cela est affirmé, appuyé, suggéré. La spirale vicieuse de la popularité va broyer l’homme, le piégeant dans ses contradictions et l’obligeant à un conflit intime entre son rôle de comique / critique et son aspiration citoyenne / activiste. De Caunes ne cache pas grand-chose, exhibant un artiste immoral et jouisseur, tourmenté, boulimique, gamin, provocateur. Qu’il soit imitateur de chanteur rock, avec des sondages au top, ou clown triste jouant au violon, lorsqu’il voit ses rêves se transformer en illusions, le Coluche de la scène illustre l’état d’esprit du « mec », entre Besancenot et Bayrou : « Ce que je veux c’est donner un bol d’air au ras le bol. »

C’est sans doute cette lecture du film qu’il faut retenir : les clins d’œil et les échos. Le film s’ouvre, ironiquement, sur Coluche en moto. Il se ferme amèrement sur le promeneur de Montsouris, croisant un SDF explorant une poubelle et un nanti plein de sacs Monoprix. Tout est dit. La fatalité et l’utilité. De Caunes a aimé (ab)user de la symbolique. Parce que leur empathie pour le créateur des Restos du cœur est évidente, les auteurs ont du aller chercher dans la multiplicité de sa personnalité : époux, père, homme de scène, bon client télé, acteur, politicien, pote, chef de bande. Mister Vannes dompte son public, domine son groupe, se sait star, donc intouchable, hors-la-loi, au dessus des lois. Entre la description de l’individu, la contexte historique et le fil conducteur de la campagne électorale, le film, « revival » d’une époque révolue où la transgression et le délire avaient un sens, se régale du feuilleton où défilent cocos, homos, écolos, clodos, intellos…Ajoutant un matériau riche en bonnes formules (« Vous voyez ce que vous mangez, bah moi je le fume ! » ), le film a davantage à voir avec une comédie de mœurs qu’avec un portrait potache.

Car bien sûr nous rions devant les silences de Georges Marchais ou avec les blagues de l’homme à la salopette. Mais la critique de la Ve république est tout aussi violente, et rare dans le cinéma français : les 500 signatures, le 49-3, Debré, … Le bouffon commence à insérer un virus dans la machine, entre Raiser et Choron, sur des airs de Lust for Life, se droguant à tout ce qui passe. Ennemi de VGE et d’une certaine conception de l’élite, l’inspecteur La Bavure subit différentes obstructions et voit son entourage menacer. Sale époque. Y compris pour sa femme – Léa Drucker, subtilte observatrice encaissant l’insupportable. Son grand bluff va se transformer en grosse baffe. Impulsif, émotif, dépressif, Coluche entre en guerre avec la censure, l’Etat, la (dé)raison d’Etat, puis, finalement avec le compromis historique : aller jusqu’au bout ou faire gagner la gauche (et donc pactiser avec ce diablotin d'Attali). Mais, déjà, John Lennon est mort et le monde imaginé s’est désagrégé avec.

Pourquoi De Caunes, en s’attaquant au mythe, en écornant quelques personnes de son entourage (le producteur joué par un fabuleux Olivier Gourmet doit en retourner son cigare), a-t-il choisi de commencer avec une star triomphante, et finissant seul, paumé, ayant perdu son innocence et sa femme ? Le constat est sombre et colle avec les années 2000, désespérantes. Cette chronique d’un fiasco annoncé démontre la fin d’un monde. Quand tout a basculé. L’entrée de la France dans la mondialisation. Avec Coluche, en coq gaulois salutaire, et légendaire, érigé sur le clocher, criant quelques vérités hélas toujours d’actualité.

Ses restos sont toujours là. Ses sketches sont éternellement drôles. Son culot a lancé une myriade de talents comiques et burlesques. Le film a eu la bonne intention de créer de la tension en l’enfermant dans une période donnée. Mais surtout il a eu la chance de trouver en François-Xavier Demaison un comédien décalquant presque parfaitement la star défunte. Son prodigieux travail de reconstitution permet au film d’être crédible de bout en bout et de faire revivre au cinéma un mec dont ce fut l’histoire…
 
vincy

 
 
 
 

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