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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Mensonges d'Etat (Body of lies)
USA / 2008
05.11.2008
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EN SCOTT MINEUR
«- Tu me connais. J’aime appliquer simultanément le plan A et le plan B ».
Ridley Scott ne s’était encore jamais plongé dans le film d’espionnage post 11 septembre. Bien mal lui en a pris puisque son Mensonges d’Etat n’apporte rien au genre et, bien plus grave, passe à côté de son sujet. Le problème ne vient pas de son aspect, tout juste correct pour un Scott, mais de son traitement. Au-delà d’une histoire classique d’espionnage et de contre espionnage, l’intérêt du film est à chercher a priori ailleurs autour de la relation particulière entre Ferris, agent de terrain du renseignement américain (DiCaprio, plutôt bon) et Hoffman, vétéran de la CIA orchestrant les grandes manœuvres depuis son domicile (très mauvais Russell Crowe). Or, ce chassé croisé hiérarchique par portable interposé, ne trouve jamais le point d’équilibre indispensable au développement tout en profondeur d’une narration hélas bien incapable de nuancer la politique antiterroriste des services secrets américains.
Trop binaire
L’idée, très bonne sur le papier, ne réussit pas à instruire l’histoire dans la complexité des missions de ce type, c'est-à-dire aussi délicates que dangereuses. Pire, elle devient risible à force de caricature primaire, le spectateur se sentant par moment pris pour un con. En effet, que dire du parallèle entre « l’honnête » agent donnant tout ce qu’il peut pour faire avancer la liberté et la démocratie sur le terrain de l’ennemi – la vraie, cela va de soi, non ? – et le coordinateur empâté dans un rôle de col blanc relaxe au service de Washington. Pas
grand-chose, hélas. Le montage s’avère tellement binaire dans sa représentation thématique que la scène finale, aussi prévisible qu’absurde, finit par flinguer en une seule réplique le soit disant bien fondé du film de Ridley Scott. Un peu plus de rigueur dans le script aurait pu offrir un axe de lecture à la fois original et pertinent des forces en présence dans ce jeu miné du chat et de la souris. Nous regrettons encore une fois (après la déconvenue d’American Gangster plus ou moins pour les mêmes raisons d’ailleurs…) que Scott n’ai pas semblé opportun de proposer un film moins thématique au profit d’une approche plus démonstrative de la lutte antiterroriste. Les prérogatives de Ferris peuvent à chaque instant entrer en contradiction avec les ordres de missions d’un Hoffman et inversement. L’interrelation se devait d’être la clef de voûte du duo des services secrets ; elle n’est qu’un pis-aller de façade pour une histoire convenue mainte fois décrite au cinéma. Par exemple, lorsque Hoffman vient personnellement négocier avec le chef des services secrets jordanien, il n’hésite pas à court-circuiter son agent en sa présence. La réalité de l’un se confronte à celle de l’autre dans une scène pertinente mais évacuée trop vite, Scott n’arrivant pas – ou ne voulant pas !– maintenir la tension de son film autour d’un tel duo. Le soufflé retombe alors inexorablement dans les méandres ronronnants d’une série d’enjeux mal fagotés et pourvus d’aucune perspective géopolitique digne de ce nom.
Trop de sirop
La constatation d’une telle faiblesse scénaristique est fâcheuse, surtout quand on réalise un long métrage essentiellement de terrain qui s’évertue à rendre cohérent des situations énoncées comme tel sans perdre de vue le corollaire stratégique des enjeux soulevés. Ni la menace terroriste d’un nouvel Ben Laden, ni le risque réel encouru par notre agent ne nous inquiètent vraiment. Nous survolons comme le satellite de surveillance hyper sophistiqué de la CIA cette aventure politico-romantique d’un agent outil manipulé pour les bonnes causes de la paix dans le monde. Et oui, nous avons bien dit romantique ! Le réalisateur arrive dans ce maelström infernal à initier une romance à l’eau de rose entre l’agent Ferris et une infirmière jordano-iranienne d’Amman. Sans aucune originalité – mise à part un déjeuner sympathique mais totalement inutile – la relation fait basculer dans le dernier tiers du film l’implication de Ferris suite aux différents rebondissements malhabiles et téléphonés de cette course au terroriste bien vaine. Trois fois hélas, elle achève l’erreur artistique du dernier film d’un artiste qui fut, jadis, un très grand cinéaste.
geoffroy
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