|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Mesrine : l'ennemi public n°1
France / 2008
19.11.2008
|
|
|
|
|
|
LES GRANDES EVASIONS
"Toi tu veux t’attaquer au système pour le foutre par terre. Moi je veux qu’il reste en place pour le rançonner."
Joyeux et irresponsable
Jean-François Richet avait conçu le premier volet de son diptyque consacré à Mesrine comme un film en perpétuelle évolution symbolisant l’ascension de son personnage au travers des différentes figures féminines (la mère, la prostituée, l’épouse, l’âme sœur) et de sa progression sur l’échelle sociale du banditisme (du vol simple au braquage, de l’enlèvement au meurtre). Le deuxième volet, logiquement, est donc à la fois celui de l’apogée, de la déchéance et de la chute. Non pas successivement, mais de manière mêlée et fondue, chaque situation culminante débouchant sur une dégringolade immédiatement suivie d’une embellie. Ainsi, on a littéralement l’impression que Mesrine passe le film tout entier à alterner séjours en prison et évasions spectaculaires, coups audacieux et fuites sanglantes. Il apparaît ainsi dans sa dimension la plus joyeuse mais aussi la plus irresponsable, multipliant les coups foireux et se mettant systématiquement dans des situations impossibles.
Figure sympathique
Car autant L’instinct de mort dressait un portrait complexe et nuancé de Mesrine, une nouvelle facette de sa personnalité apparaissant quasiment à chaque scène, autant L’ennemi public n°1 en fait une synthèse presque expéditive d’où ressort principalement son côté flamboyant et démesuré. Mi Robin des Bois, mi Cartouche, il fait preuve d’une irrésistible répartie (les scènes de procès sont impayables) doublée d’une étonnante légèreté, qui le rendent incontestablement plus sympathique. C’est aussi l’époque où l’on sent que Mesrine réfléchit sur sa vie et commence, consciemment ou non, à arranger sa légende. D’où cette impression d’avoir affaire plus que jamais à un personnage fictionnel, recréé à partir de caractéristiques empruntées aux récits romanesques. Emporté par la vivacité et l’énergie de son personnage, Jean-François Richet a parfois bien du mal à le confronter à une réalité plus âpre, mais n’en pointe pas moins pour autant ses contradictions. On est surpris de voir un homme à la fois si brillant lorsqu’il est en représentation et si tête brûlée quand il s’agit d’agir. Cette dichotomie se retrouve dans le ton du film qui est bizarrement à la fois plus léger et plus sombre que le précédent.
Le spectacle prime
En terme de mise en scène, le réalisateur est revenu à une forme plus classique de fresque ample et spectaculaire où l’urgence généralisée (Mesrine sait que sa fin est proche) empêche de trop grandes pirouettes narratives. A la place, il mise sur une montée en puissance de la tension et du suspense ainsi que sur des séquences d’action plus détaillées. Ces dernières ne feront pas spécialement date (la plupart du temps, la caméra bouge beaucoup, ce qui s’avère souvent une solution de facilité évitant de réfléchir à une vraie mise en scène) mais permettent de rythmer le film. De la même manière, ce ne sont plus les femmes qui jalonnent la vie du gangster, mais plutôt les complices : Michel Ardouin, François Besse, Charlie Bauer. Autant de seconds rôles qui apportent de véritables bouffées d’oxygène au film et modèlent discrètement le parcours aussi bien psychologique que politique de Mesrine, dont les sympathies passent en vingt ans de l’OAS à l’extrême gauche révolutionnaire. Si ses revendications, maladroitement assénées le temps d’une ou deux tirades, l’inscrivent dans son époque (celle de la lutte armée), elles font malgré tout l’impression d’idéaux préfabriqués et récupérés opportunément… hormis le combat contre les QHS (quartiers de haute sécurité), qu’il avait réellement connus.
Un ennemi public davantage grand public
Au fond, Ennemi public n°1 est plus abordable que L’instinct de mort car il fait à nouveau correspondre la réalité avec le mythe. Plus aux normes du polar, et de la fiction en général, ce deuxième volet va plus loin dans l’émotion et l’intensité, se permettant même quelques séquences forcément lacrymales comme les retrouvailles au chevet de son père mourant, ou le parloir avec sa fille. Indubitablement, les aspects négatifs du personnage ne parviennent plus à entamer son capital sympathie, et c’est la figure du héros vaillant et drôle (quasiment martyr de l’injustice policière) qui l’emporte. Petit malfrat se cherchant, Mesrine avait droit à un film à son image : nerveux et sans concession. Devenu une star, il lui fallait bien un peu de chiqué, d’ampleur et de spectacle en guise d’oraison funèbre.
MpM
|
|
|