Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Australia


Australie / 2008

24.12.2008
 



AUSTRALIAN QUEEN





"La fierté ne mène à rien"

De magnifiques acteurs, une passion naissante, des paysages de rêve et une société emportée dans la tourmente : Baz Luhrman est fidèle à ses habitudes. Lui qui n’avait rien tourné depuis Moulin rouge (hormis une publicité Chanel), a choisi pour son grand retour les ingrédients les plus hauts en couleur. Cela lui va sans doute mieux qu'une version d'Alexandre le Conquérant. Avant même d’avoir vu Australia, on sait ce qu’il propose : du romanesque en bobines, du grand spectacle en pellicules, du rêve en technicolor. Pas étonnant que sur le visage de Nicole Kidman, en chapeau et ombrelle, se superpose rapidement celui d’autres actrices, de Catherine Deneuve dans Indochine à Katharine Hepburn dans African Queen, ouvertement plagiées jusque dans les plans et les répliques. Décidément, les fantômes ne manquent pas dans ce très long métrage conçu pour ressusciter ceux du passé : la comédie flamboyante (avec sa version moderne du couple mal assorti) et le Western dans le premier volet et le mélodrame historico-romantique dans le second (là on pense très fort à Autant en emporte le vent, en plus sirupeux et surtout moins cruel). En l’occurrence, ce n’est ni un atout, ni un défaut, le petit jeu des références apportant un certain charme, mais faisant aussi courir au film, avec sa succession de visions kitschs, d'hallucinations dans les scénario, d'onirisme grandiloquent le risque de souffrir de la comparaison.

C’est particulièrement flagrant dans la partie de l’intrigue qui privilégie le mode burlesque, qui fait ainsi pencher le film vers le pastiche, au risque de le décrédibiliser. D'autant que Nicole Kidman, lady chez les ploucs, s’avère tout simplement incapable de jouer subtilement la comédie. La voix haut perchée et les yeux roulant dans leurs orbites, elle est bien loin de l’austérité hilarante d’une Katharine Hepburn grimée en vieille fille coincée. "C'est pas une balade à Kensignton Gardens".
Heureusement, elle est bien entourée - Hugh Jackman en Bogart très sexy, lui, semble à l’aise dans tous les registres - et s’améliore sensiblement au fur et à mesure que son personnage s’humanise et que le film se dramatise. Elle est ainsi assez convaincante dans le romantisme sur fond de coucher de soleil et parfaite dans les larmes et la douleur en temps de guerre.

Pour le reste, Australia se révèle à mi-chemin entre le dépliant exotique sponsorisé par l’office du tourisme australien (paysages sublimes, espaces sans limites, charmants kangourous gambadant en famille, bétail susceptible de vous piétiner en un clin d’œil… et même un mystérieux sorcier aborigène) et la fresque historique édifiante mêlant guerre mondiale, injustices raciales et excès d’une société gangrenée par l’hypocrisie et l’appât du gain… Le mélange des deux n’est pas franchement indigeste (même s’il est vraiment trop long) mais ne brille pas non plus par son audace ou son originalité. A commencer par la mise en scène, savamment spectaculaire, voire grandiloquente, et néanmoins plutôt classique. Si Luhrmann s'amuse avec ses collages au début du film, il s'aventure loin de ses décors tocs pour tenter un naturalisme, finalement vain. Australia est une oeuvre esthétisante, chargée de déculpabiliser à travers deux héros fictifs tout un peuple responsable d'un "génocide" culturel. Aux icônes, on ajoute un mythe, et on construit un fantasme. Le film est plaisant mais illusoire.

Car le "grand sujet" du film, le scandale des générations volées, demeure un simple élément du contexte jamais réellement mis en valeur par l’intrigue, tandis que les comportements racistes et ségrégationnistes font presque "couleur locale", à l’image de l’interdiction du bar aux aborigènes traitée comme un gag récurrent… Sans doute, cela est lié au problème de chapitrage : l'avant-propos sur la génération volée ne trouve sa place dans le scénario qu'à la troisième partie du film... Mais, hélas, le thème est vite enterré avec la dimension opératique (jusqu'aux chants en trame sonore) des bombardements de Darwin.
A côté, sa vision de la famille "idéale" et "recomposée" avec l'autodidacte, le métis orphelin, le papy soulard et généreux semble factice. L'intention est trop visible. Et puis,, cela finit toujours de la même façon : les braves sont sacrifiés, au nom d'un péché, mais toujours après avoir eu leur moment de gloire...
La vérité est qu’on est en terrain balisé et parfaitement connu, personnages et rebondissements empruntant systématiquement les sentiers battus, sans nous ennuyer et sans nous surprendre non plus. Peut-être que sous cette esthétique poussière ocre qui recouvre les corps et les désirs, tout reste trop joli, policé, désincarné et dépourvu de tripes pour générer la grande épopée humaine et authentique que l’on attendait. Voici une version stylée de la terre vue du ciel, avec quelques morts pour stimuler le script. Mais comme il est dit dans le film :"la seule chose qui reste ce sont des histoires." Et reconnaissons, qu'avec son hommage au Magicien d'Oz(*) et son clin d'oeil à l'âge d'or hollywoodien, Luhrmann, qui remixe ici "Over the Rainbow" sous toutes ses formes, joue les enchanteurs. Pour lui, le chant demeure l'ultime lien harmonieux entre la nature et les hommes, et fondent le récits, bien plus que la psychologie.

(*) Oz en américain signifie Australie. On donne aussi le surnom de Down Under (En bas en dessous).

Attention pour ceux qui vont voir le film en vost : les traductions sont désastreuses
 
MpM & Vincy

 
 
 
 

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